Le 24 septembre 2025, date hautement symbolique en Nouvelle-Calédonie, le bureau politique du FLNKS a franchi un pas inédit. Réunis à Nouméa, Dominique Fochi (Union calédonienne) et Arnaud Chollet-Leakava, entourés de plusieurs alliés, ont proclamé une déclaration « unitaire ». Le message est clair : l’indépendance sera proclamée avant la présidentielle de 2027, dès que les conditions seront réunies. Une annonce solennelle, mais qui met en lumière les fractures persistantes au sein du camp indépendantiste et une représentativité contestée.
Une déclaration solennelle mais divisée
Ce 24 septembre 2025, le peuple kanak proclame sa volonté d’accéder à la pleine souveraineté
a lancé Dominique Fochi en ouvrant la conférence de presse. Autour de lui, un front élargi mais incomplet : UC, RDO, DUS, Parti travailliste, CNTP, MOI et Dynamique autochtone. À ce noyau s’ajoutaient le MNIS, l’Église protestante de Kanaky et l’Instance autochtone de discussion.
Mais l’absence du Palika et de l’UPM a pesé lourd. Ces deux formations, piliers historiques du FLNKS, ont choisi de rester dans la logique de Bougival, là où leurs camarades dénoncent désormais un cadre dépassé. Une fracture qui traduit un malaise profond : d’un côté, ceux qui veulent imposer une échéance, de l’autre ceux qui préfèrent le dialogue institutionnel avec Paris.
Une échéance posée : 2027 comme point de rupture
La nouveauté, c’est la date butoir. Le texte de la « déclaration unitaire » ne laisse aucun doute : l’indépendance doit être proclamée au plus tard avant l’élection présidentielle française de 2027. Pour ses signataires, il ne s’agit pas d’un simple objectif, mais d’un engagement politique. « L’indépendance sera proclamée dès que les conditions seront réunies », répètent-ils.
À court terme, le FLNKS exige aussi le maintien des élections provinciales en novembre 2025, condition jugée indispensable pour restaurer une légitimité démocratique. Derrière cette exigence se cache une volonté stratégique : reprendre la main dans les institutions avant d’imposer un agenda de rupture. En clair, il ne s’agit plus de discuter indéfiniment, mais d’imposer un calendrier.
Où sont les coutumiers et les absents de poids ?
Derrière l’unité affichée, une question revient avec insistance : où sont les coutumiers ? Où est le grand chef de Maré, Sinewami, Inaat Ne Kanaky ? Où est le Sénat coutumier ? Le président de la province nord ? L’Instance autochtone de discussion se présente comme leur voix, mais sans la présence directe des autorités coutumières, la légitimité reste discutable.
Même constat côté politique : l’absence du Palika et de l’UPM, qui continuent à se reconnaître dans l’accord de Bougival, retire près de la moitié du camp indépendantiste de la photo. Autrement dit, cette déclaration « unitaire » ne parle qu’au nom d’une partie des indépendantistes. L’absence du Palika et de l’UPM pèse lourd.
À force d’annoncer des échéances non tenues et de parler au nom d’alliés absents, le FLNKS s’expose à un risque majeur : celui de perdre toute crédibilité. Comme le disait Jacques Lafleur dans une formule restée célèbre :
à force de faire le grand écart, on finit par se briser les noisettes sur le bitume
Paris face au défi d’un front hétérogène
Cette annonce place l’État français devant un dilemme. Comment négocier avec un camp indépendantiste qui parle d’une seule voix ce 24 septembre, mais qui reste traversé de lignes de fracture majeures ? Le gouvernement avait salué la signature de Bougival comme une avancée vers une solution partagée. Mais la mise en retrait du Palika et de l’UPM fragilise cette unité affichée.
Pour Paris, l’échéance de 2027 risque de transformer la discussion en bras de fer. Les indépendantistes affirment leur détermination, mais leurs divisions internes affaiblissent la crédibilité de la menace. Une proclamation unilatérale sans consensus pourrait ouvrir la voie à une crise politique et institutionnelle majeure.
En fixant 2027 comme ligne rouge, le FLNKS et ses alliés jettent un pavé dans la mare. Mais à force de multiplier les promesses non tenues et de parler au nom de partenaires absents, leur parole perd en crédibilité. Quand la moitié du camp indépendantiste et les coutumiers de premier plan manquent à l’appel, peut-on vraiment parler d’unité ? La formule de Jacques Lafleur résonne avec acuité : un mouvement qui cherche à tenir ensemble des positions irréconciliables risque de se briser. À l’approche de 2027, la Nouvelle-Calédonie entre dans une zone de turbulences dont personne ne peut prévoir l’issue.