Un gouffre financier révélé, une province mise face à ses responsabilités. Le 23 septembre 2025, les élus des Îles Loyauté ont dû examiner le compte administratif 2024, un document explosif rectifié par la Chambre territoriale des comptes.
Province des Îles Loyauté : le réveil brutal d’une gestion insouciante
La Chambre territoriale des comptes a rendu son verdict : la province des Îles Loyauté accuse un déficit abyssal de 6,5 milliards FCFP, soit près de 49 % des recettes de fonctionnement.
Un niveau alarmant, largement au-dessus du seuil légal de 5 %, qui a conduit le haut-commissariat à saisir la juridiction financière.
Depuis des années, les signaux d’alerte se multipliaient. La CTC avait déjà pointé des anomalies graves : immobilisations mal suivies, provisions inexistantes pour risques, retards de paiement chroniques, charges de personnel galopantes. Malgré ces avertissements répétés, aucune réforme structurelle n’a été engagée.
Résultat : la province vit à crédit, incapable de payer ses fournisseurs dans les délais. Fin 2024, la trésorerie disponible ne représentait plus qu’une journée de charges de fonctionnement, une situation indigne d’une collectivité publique.
Un budget 2025 déjà caduc et une dette colossale à apurer
Voté en mars 2025, le budget de la province affichait un équilibre de façade. Mais corrigé avec les données réelles, il se retrouve en déséquilibre de plus de 6,5 milliards FCFP. L’institution du boulevard Vauban a été claire : ce déficit ne peut être comblé sur une seule année.
Un plan d’apurement sur cinq ans est exigé, avec un effort annuel de 1,3 milliard FCFP.
La collectivité devra non seulement solder ses dettes, mais aussi rétablir la sincérité de ses comptes. En clair, il ne suffit plus de jouer la montre : il faut des mesures structurelles.
Les marges de manœuvre existent, mais nécessitent du courage politique. La province peut augmenter ses recettes en ajustant certains tarifs, céder des actifs dormants et réduire la voilure dans des compétences qu’elle n’a pas les moyens d’assumer. Surtout, elle doit mettre fin à l’inflation incontrôlée des effectifs et de la masse salariale, qui représentent déjà plus de la moitié des dépenses de fonctionnement.
Leçon de rigueur : la fourmi triomphe toujours de la cigale
Cette crise budgétaire illustre une évidence : une collectivité qui vit au-dessus de ses moyens finit toujours par en payer le prix. Depuis trop longtemps, la province des Îles Loyauté a préféré distribuer plutôt que gérer, entretenir plutôt que réformer.
La morale de La Fontaine s’impose ici avec éclat :
Qui est nanti est préféré / À qui vient geindre et quémander.
En refusant d’anticiper, la province s’est transformée en cigale insouciante. Désormais, elle n’a d’autre choix que de devenir une fourmi disciplinée.
L’État, via le haut-commissariat, a rappelé son rôle d’arbitre et de garant de la sincérité des finances publiques. Mais c’est aux élus locaux d’assumer leurs responsabilités : réduire la dépense, restaurer la confiance, et redonner de la crédibilité à une institution trop longtemps déconnectée des réalités économiques.
La page des illusions est tournée. L’heure est venue d’affronter la rigueur, au nom de l’intérêt général et du respect des contribuables.