L’Europe ne veut plus subir la révolution numérique : elle veut la conduire. Face à la Chine et aux États-Unis, Bruxelles muscle sa riposte et rêve de souveraineté technologique.
Un plan colossal pour faire émerger une Europe de l’intelligence artificielle
C’est une offensive économique et technologique sans précédent. Le 8 octobre 2025, la Commission européenne a dévoilé son plan d’action pour un continent de l’IA. Objectif : transformer les ambitions du programme InvestAI en résultats concrets. Après des années d’atermoiements, Bruxelles assume enfin une vision de puissance.
L’initiative, lancée par Ursula von der Leyen, prévoit 200 milliards d’euros (environ 24 000 milliards de francs CFP) d’investissements, dont 20 milliards (environ 2 400 milliards de francs CFP) pour un fonds stratégique dédié aux gigafabriques d’IA. Un chiffre qui traduit un changement de ton : l’Europe ne veut plus être un marché, mais un moteur. En toile de fond, la crainte persistante de voir l’innovation et les talents européens s’exiler à San Francisco ou Shenzhen.
Ce plan vise à libérer le potentiel inexploité des chercheurs et des industries européennes, encore trop dispersés. Car seulement 13,5 % des entreprises du continent utilisent aujourd’hui l’intelligence artificielle. Une statistique jugée alarmante par Bruxelles, décidée à lever les verrous administratifs et technologiques freinant l’adoption de l’IA.
Infrastructures, données, talents : les trois piliers de la souveraineté numérique européenne
Pour bâtir ce continent de l’IA, la Commission mise sur une infrastructure informatique de grande ampleur. Treize fabriques d’IA seront reliées au réseau européen de calcul à haute performance. Elles permettront d’entraîner des modèles à l’échelle mondiale. En parallèle, cinq gigafabriques verront le jour pour développer des applications stratégiques — santé, défense, éducation ou environnement.
Mais la souveraineté passe aussi par la donnée. Bruxelles veut créer un véritable marché unique des données, avec des laboratoires de données intégrés aux fabriques d’IA. L’idée : éviter la dépendance aux géants américains du cloud, en triplant la capacité des centres de données européens d’ici cinq à sept ans.
Côté compétences, le plan prévoit la formation d’une nouvelle génération d’experts européens, mais aussi des incitations pour retenir les talents étrangers. L’UE veut redevenir attractive, dans un monde où la compétition pour les cerveaux est féroce. En filigrane, une conviction : sans maîtrise technologique, il n’y aura plus de souveraineté politique.
L’Europe puissance : la fin de la naïveté numérique
Le message est clair : l’Union européenne refuse d’être le terrain de jeu des autres. Avec le futur AI Act, Bruxelles veut offrir un cadre clair aux entreprises, tout en protégeant ses valeurs. Pour accompagner cette mise en œuvre, un service d’assistance sera créé afin d’aider les PME à s’y retrouver. Fini la bureaucratie étouffante : place à l’efficacité et à la compétitivité.
Ce virage marque un changement culturel. Longtemps, l’Europe a douté d’elle-même. Aujourd’hui, elle choisit de réinvestir le champ de la puissance, assumant un modèle technologique fondé sur la sécurité, la responsabilité et l’innovation maîtrisée.
Certes, le chemin sera long. Mais l’ère de la dépendance technologique touche à sa fin. Ursula von der Leyen l’a résumé à Paris :
Nous avons les cerveaux, les industries et les valeurs. Il ne manque plus que la volonté.
L’Europe semble enfin l’avoir trouvée.