Un remaniement express, un chef de gouvernement déterminé et une majorité qui se fissure. En pleine crise politique, Sébastien Lecornu choisit la fidélité républicaine plutôt que la soumission partisane.
Un retour à Matignon sous tension, mais sans reniement
Démissionnaire une semaine plus tôt, Sébastien Lecornu revient par la grande porte, nommé de nouveau Premier ministre par Emmanuel Macron le 10 octobre au soir. Une manœuvre rapide, presque brutale, qui témoigne de la gravité de l’heure : la France a besoin d’un budget, et vite.
Dans Le Parisien, le chef du gouvernement affiche un ton ferme :
Je suis libre. Loyal, mais pas collaborateur, tranche-t-il.
Une phrase lourde de sens, à l’heure où Matignon semble vouloir reprendre la main sur un président fragilisé par l’érosion de sa majorité.
Lecornu rappelle son parcours, ses victoires locales sans l’aide de Macron : Vernon, l’Eure… autant de conquêtes forgées à la loyale. Une manière de dire qu’il n’est pas un simple fusible, mais un homme d’action, ancré dans la France réelle.
Pour Emmanuel Macron, cette reconduction est un pari : miser sur un Premier ministre capable de rassurer la droite tout en contenant la gauche. Mais l’équation s’annonce périlleuse.
Les Républicains, jusqu’alors partenaires officieux du centre macroniste, ont claqué la porte. Pas de ministres LR pas de participation au gouvernement, seulement un vague « soutien texte par texte » au Parlement. Une abstention utile, mais sans garantie. Alors que le second gouvernement de Sébastien Lecornu a été dévoilé ce dimanche 12 octobre, le parti de Bruno Retailleau a immédiatement exclu les ministres estampillés LR qui y ont été nommés.
La droite se retire, l’exécutif se replie
Le retour de Lecornu marque la fin d’une parenthèse : celle d’une coalition fragile avec la droite classique. L’expérience aura duré un an, sans fruits politiques notables.
Aujourd’hui, LR prend ses distances, l’UDI s’aligne et Horizons, le parti d’Édouard Philippe, temporise.
Résultat : Macron se retrouve seul avec ses centristes, obligé de composer avec un Parlement fragmenté et une opinion lassée.
À Matignon, l’ordre est donné : des passations « sobres », sans caméras ni foules, symbole d’austérité politique après des mois de turbulence. Lecornu veut marquer une rupture avec la comédie médiatique. Pas de communication tapageuse, mais une ligne claire : travailler vite, dans le silence, pour sauver le budget de la France.
Le président, lui, n’a pas le temps d’attendre. Dès lundi, il doit s’envoler pour l’Égypte afin d’assister à la signature de l’accord entre Israël et le Hamas. Pendant ce temps, Lecornu reste à Paris pour être à la tête d’ un gouvernement de mission : un cabinet de transition, resserré, efficace — quitte à durer quelques semaines seulement.
Lecornu II : un gouvernement resserré pour un pays à bout de souffle
L’Élysée a publié, tard ce dimanche 12 octobre au soir, la liste du deuxième gouvernement Lecornu, à 22 heures à Paris (7 heures ce lundi 13 octobre à Nouméa). Un casting sans surprise, mais révélateur d’une stratégie : stabilité, discipline et ancrage républicain.
Le deuxième gouvernement de Sébastien Lecornu :
- M. Laurent NUNEZ, ministre de l’intérieur
- Mme Catherine VAUTRIN, ministre des armées et des anciens combattants
- M. Jean-Pierre FARANDOU, ministre du travail et des solidarités
- Mme Monique BARBUT, ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature
- M. Gérald DARMANIN, garde des sceaux, ministre de la justice
- M. Roland LESCURE, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle,énergétique et numérique
- M. Serge PAPIN, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat
- Mme Annie GENEVARD, ministre de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire
- M. Edouard GEFFRAY, ministre de l’éducation nationale
- M. Jean-Noël BARROT, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
- Mme Rachida DATI, ministre de la culture
- Mme Stéphanie RIST, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées
- Mme Naïma MOUTCHOU, ministre des outre-mer
- Mme Françoise GATEL, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
- Mme Amélie de MONTCHALIN, ministre de l’action et des comptes publics
- M. Philippe BAPTISTE, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace
- Mme Marina FERRARI, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
- M. Philippe TABAROT, ministre des transports
- M. Vincent JEANBRUN, ministre de la ville et du logement.
En somme, un gouvernement sans fioritures, aligné sur une ligne d’ordre, de continuité et de souveraineté. Les figures technos se font discrètes, les élus enracinés reprennent du poids. Lecornu compose un attelage pour gouverner, pas pour plaire.
Reste à savoir combien de temps cette équipe tiendra. Car le calendrier est implacable : le budget doit être présenté avant la fin du mois et voté avant le 31 décembre. En cas d’échec, c’est la dissolution ou le chaos budgétaire.