Face à une jeunesse en quête de repères et dans un contexte social tendu, c’est une réponse audacieuse qu’a choisie la Nouvelle-Calédonie : donner au sport le rôle de moteur sociétal. La Fondation Roger Kaddour, entend faire du sport un levier d’inclusion, d’éducation, de santé et de cohésion sociale. Portée par des personnalités sportives locales et des acteurs institutionnels, elle se donne les moyens d’agir dans un territoire à fort héritage sportif et en proie à de profondes fractures.
Le legs de Roger Kaddour : un socle historique et identitaire
Avant d’être une fondation, Roger Kaddour est une légende du sport calédonien. Il a œuvré plus de soixante ans au service des structures, des ligues et du rayonnement de l’archipel.
Résumer la vie et l’œuvre de Roger en quelques lignes est mission impossible
confie Christophe Dabin, président du CTOS. Ce sont ses ambitions qui firent la différence : il rédigea la charte des Jeux du Pacifique en 1966, impulsa la création du Comité territorial des sports (devenu CTOS) et milita pour la construction de grands équipements comme le stade Numa-Daly ou la piscine Jacques-Mouren.
La valorisation de cet héritage n’est pas un simple hommage : la maison du sport du CTOS porte déjà son nom, et le projet de fondation s’appuie sur ce socle mémoriel pour légitimer son action. C’est donc une double opération : redonner vie aux ambitions de Roger Kaddour tout en lançant un projet moderne, tourné vers le futur et les urgences sociales.
Une fondation à trois piliers : éducation, santé, inclusion
La Fondation Roger Kaddour se structure autour de trois axes qu’elle déploiera en parallèle, éducation & emploi, santé & nutrition, égalité & inclusion.
- Éducation & emploi
L’un des volets phares consiste à soutenir l’insertion par le sport : formation d’animateurs de proximité, soutien aux clubs dans les quartiers, accompagnement de jeunes sportifs prometteurs. Benoît Naturel, cofondateur, indique :
on veut agir via le mécénat pour financer des actions de proximité
- Santé & nutrition
Dans un constat alarmant de sédentarité, de troubles alimentaires et de stress psychosocial, le sport est présenté comme un « médicament naturel ». L’Agence française de développement (AFD), présente au lancement, insiste sur l’importance du sport dans le renforcement du bien-être et de l’inclusion. - Égalité & inclusion
Pour les promoteurs, le sport transcende les barrières :
Il n’y a pas de couleur, pas de religion
affirme Diane Bui-Duyet. Le projet veut favoriser l’égalité d’accès, la mixité, l’accessibilité aux personnes en situation de handicap, et mener un travail de plaidoyer auprès des décideurs publics.
Dans l’optique d’une action structurelle, la fondation envisage aussi un rôle de lobbying : l’adaptation des rythmes scolaires à un modèle anglo-saxon, avec des après-midis dédiées aux activités sportives ou culturelles, est l’un des projets pilotes en cours de réflexion.
La conférence publique du 9 octobre au Centre culturel Tjibaou, parrainée par Antoine Kombouaré, a servi de moment de lancement pour fédérer les acteurs et engager des engagements concrets.
Des engagements ambitieux face aux défis réels
L’enthousiasme est palpable mais les défis sont nombreux.
1. Mobiliser les ressources et le mécénat
Pour concrétiser ses projets, la fondation devra lever des fonds significatifs, notamment en métropole. Le modèle de la Fondation du Sport français, déjà partenaire, sera mobilisé pour structurer cette collecte.
2. Garantir l’ancrage local
Il ne suffit pas d’avoir des champions ou des idées : il faut une présence de terrain. La fondation devra travailler avec des associations de quartier, des clubs, des communes. L’un des risques serait de rester trop « top down ».
3. Transformer le plaidoyer en politiques publiques
Les ambitions éducatives (rythmes scolaires modifiés, financement d’équipements) nécessitent que les décideurs politiques (gouvernement, provinces, communes) acceptent de faire évoluer des modèles institutionnels. La fondation pourrait être un catalyseur.
4. Suivre, évaluer et pérenniser
Comment s’assurer que les actions ne soient pas conjoncturelles ? La mise en place d’une évaluation rigoureuse (indicateurs de santé, social, scolaire) sera essentielle pour crédibiliser l’impact.
Malgré tout, les opportunités sont réelles :
- Les Jeux du Pacifique 2027 et les JO de Brisbane 2032 sont des marqueurs fédérateurs autour desquels la fondation compte mobiliser.
- Le réseau d’ambassadeurs : Titouan Puyo, Laurent Gané, Diane Bui-Duyet, Yolaine Yengo, Pierre Fairbank, etc. donnera de la visibilité au projet.
- Le soutien d’institutions comme l’AFD, l’État ou le CTOS est un levier dans la durée.
Un pari sur l’avenir
La Fondation Roger Kaddour n’est ni une initiative symbolique ni un simple label : c’est un pari lancé sur ce que peut devenir le sport en Nouvelle-Calédonie, quand il cesse d’être seulement un spectacle pour devenir un ciment social. Mais comme le rappelle le credo du projet : « faire du sport un moteur d’avenir ». Si cette institution parvient à inscrire ses actions durablement dans le tissu local, à convaincre les décideurs de franchir le pas, elle pourrait redessiner des perspectives pour toute une jeunesse.