L’État se serre la ceinture, mais ne veut plus être le dindon de la farce. Fraudes sociales, dérives fiscales, assistanat à outrance : le gouvernement promet enfin de remettre de l’ordre dans les caisses.
Reste à savoir si la promesse sera tenue ou si tout cela n’est qu’un exercice de communication budgétaire.
Fraude sociale : l’État veut serrer la vis
C’est un chiffre qui donne le vertige : 13 milliards d’euros (environ 1 560 milliards de francs CFP) de fraude sociale par an, selon Catherine Vautrin, ancienne ministre du Travail. Un montant équivalent à un tiers du budget de la Défense. Cet été, elle avait détaillé un arsenal de mesures pour en finir avec les abus : contrôle renforcé des aides, lutte contre les faux numéros de sécurité sociale, traque des bénéficiaires vivant à l’étranger.
Le nouveau projet de loi présenté cette semaine reprend ces pistes et entend aller plus loin. Objectif affiché : récupérer plus d’un milliard d’euros (environ 120 milliards de francs CFP) dès 2026.
Mais le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) se montre sceptique : selon lui, le rendement attendu « ne paraît pas crédible ».
Derrière les chiffres, c’est une question de justice sociale. En clair : les Français qui travaillent et paient leurs impôts en ont assez de financer la fraude des autres. Le gouvernement veut répondre à cette exaspération montante.
Reste que, dans les faits, la bataille s’annonce ardue : chaque année, les contrôles se multiplient, mais les réseaux de fraude s’adaptent plus vite que l’administration.
Budget 2026 : entre rigueur et priorités régaliennes
Ce projet de loi s’inscrit dans un cadre budgétaire plus large. En même temps que la lutte contre la fraude, le gouvernement a présenté son projet de loi de finances pour 2026. Une équation difficile : financer les priorités du pays, préserver le modèle social et réduire le déficit public à 4,7 % du PIB.
Les efforts sont concentrés sur deux axes : la Défense nationale, dont le budget augmentera de 6,7 milliards d’euros (environ 804 milliards de francs CFP), et la santé, en hausse de 5 milliards (environ 600 milliards de francs CFP).
La France veut rester forte sur ses missions régaliennes, tout en soutenant son système de soins.
Mais pour équilibrer les comptes, d’autres ministères verront leurs dépenses baisser.
L’exécutif annonce aussi une stabilisation du barème de l’impôt sur le revenu et de la CSG, tout en mettant davantage à contribution les grandes entreprises et les foyers les plus fortunés.
Une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés rapporterait 4 milliards (environ 480 milliards de francs CFP), et un impôt exceptionnel sur le patrimoine financier des plus riches, 2,5 milliards (environ 300 milliards de francs CFP).
Un équilibre fragile, car ces mesures risquent de décourager l’investissement au moment même où les PME et ETI françaises peinent à respirer.
Le gouvernement promet de relancer la réduction de la CVAE, impôt sur la valeur ajoutée des entreprises, afin d’en atténuer l’effet.
Fraudes fiscales : restaurer la confiance et l’autorité
La France se veut un pays juste, mais elle doit d’abord être un pays honnête. Les fraudes fiscales et sociales minent la confiance dans l’État et creusent le fossé entre ceux qui jouent le jeu et ceux qui contournent les règles. Le gouvernement affirme vouloir frapper fort : renforcement des contrôles, croisement des fichiers, sanctions plus lourdes pour les récidivistes.
Objectif : rendre enfin le respect de la loi rentable, et la triche coûteuse.
Le message politique est clair : chaque euro détourné est un euro volé à la Nation. Derrière la technicité budgétaire, il y a une volonté de restaurer l’autorité de l’État, affaiblie par des années de laxisme. Pendant trop longtemps, la peur du « stigmate social » a freiné les réformes.
Mais à droite comme à gauche, un constat s’impose : sans contrôle rigoureux, le modèle social s’effondrera. C’est tout le paradoxe français : vouloir la solidarité sans accepter la responsabilité.
Ce projet de loi n’est pas seulement budgétaire : il est politique et moral. Derrière la lutte contre la fraude, il y a une reconquête de l’État sur ses marges. Le gouvernement veut prouver qu’il peut encore gouverner, sanctionner et récompenser le mérite.
L’opinion publique y est favorable : selon plusieurs enquêtes, plus de 80 % des Français estiment que la fraude sociale est « massive » et qu’elle doit être sanctionnée plus durement.
Dans une France fracturée, cette mesure pourrait devenir un symbole d’équité et de responsabilité.
Mais attention aux promesses creuses : si les résultats ne suivent pas, le discours sur la « justice républicaine » risque de sonner creux.
La droite, elle, réclame depuis des années une politique de tolérance zéro face à la fraude.
Pour elle, la défense du modèle social passe par le mérite, non par la complaisance.
C’est peut-être là que se jouera le prochain tournant politique : rétablir l’autorité de l’État et réconcilier les Français avec la valeur du travail.