Deux voisins, une alliance, et un crocodile en guise de symbole.
Le « Pukpuk Treaty », du nom pidgin du reptile emblématique, marque un tournant historique : la Papouasie-Nouvelle-Guinée devient le troisième allié militaire formel de l’Australie, après les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. Mais ce rapprochement stratégique pourrait coûter cher… surtout face à la Chine.
Un pacte militaire à portée géopolitique
Signé le 6 octobre à Canberra par Anthony Albanese et James Marape, le traité de défense mutuelle scelle un partenariat inédit depuis 70 ans. Il prévoit une interopérabilité renforcée entre les armées, l’accès de l’Australie aux bases militaires papoues, et même la possibilité pour l’ADF de recruter des citoyens papous. Autrement dit : une intégration stratégique au cœur du Pacifique, à seulement 4 km des côtes australiennes.
Mais tout n’est pas encore figé. Le texte doit encore être validé par les parlements des deux pays, et certains points clés notamment la clause d’assistance mutuelle en cas d’attaque demeurent flous.
Pour les chercheurs comme Oliver Nobetau (Lowy Institute), ce traité est d’abord un signal politique fort : la Papouasie veut rassurer ses partenaires et ses investisseurs sur sa stabilité.
Pékin grince des dents
À peine l’annonce faite, l’ambassade de Chine à Port-Moresby a mis en garde le gouvernement papou : il doit « gérer avec prudence les questions touchant à sa souveraineté ».
Un avertissement à peine voilé. Car derrière l’équilibre fragile du Pacifique, un jeu d’influence s’intensifie : l’Australie défend sa zone stratégique, quand la Chine multiplie les accords bilatéraux avec les îles du Pacifique.
Pour Mike Hughes (ASPI), Pékin n’aime pas les coalitions :
« La Chine préfère traiter pays par pays, car elle a toujours l’avantage du rapport de force. »
Autrement dit, ce traité Australie-PNG pourrait bien déclencher de nouvelles représailles économiques chinoises contre Canberra déjà ciblée par le passé sur le charbon et le vin australiens.
Le Pacifique face à un choix impossible
Pendant des années, les nations du Pacifique ont joué la carte du « friends to all, enemies to none » — amis avec tout le monde, ennemis de personne. Mais cette posture devient intenable. Entre la stabilité sécuritaire australienne et les promesses économiques chinoises, chaque pays doit désormais choisir.
« PNG est arrivée à un carrefour, » résume Nobetau. Même son de cloche chez James Batley (ANU) :
« Les pays du Pacifique respectent la Chine, la craignent un peu, mais ne lui font pas confiance. »
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, en demandant elle-même ce traité à Canberra, a tranché : elle penche vers ses partenaires historiques plutôt que vers la puissance montante asiatique.
Dans un monde où l’alignement devient une obligation, le Pukpuk Treaty symbolise un choix clair : sécurité avec l’Occident, au risque de l’économie chinoise.
Un pari risqué, mais assumé car, dans le Pacifique d’aujourd’hui, rester neutre n’est plus une option.