Entre dette, dépenses sociales et choix politiques différés, le Congrès peine à tracer une ligne claire pour redresser la Nouvelle-Calédonie.
Une loi du pays pragmatique : identifier, responsabiliser, encadrer
Ce jeudi matin, à 9 heures, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie s’est réuni en séance publique pour examiner plusieurs textes. Le premier concernait une loi du pays sur l’identification et la cession des carnivores domestiques, un texte porté par le rapporteur Lionnel Brinon et adopté sans heurts.
Derrière ce sujet en apparence anodin, c’est pourtant une réforme de société : identifier les chiens et les chats devient désormais obligatoire.
Le texte crée également un statut d’éleveur, afin de réguler une activité souvent laissée sans cadre et de lutter contre la surpopulation animale et ses nuisances, de Nouméa aux tribus.
Une mesure de bon sens, saluée sur tous les bancs : responsabiliser les propriétaires, c’est aussi réduire les coûts supportés par les communes pour les fourrières et les campagnes d’abattage.
Dans un contexte de tensions sociales et économiques, cette décision traduit une volonté d’ordre et de clarté réglementaire, à mille lieues des débats explosifs qui ont suivi.
Une dette : 187 milliards pour 264 000 habitants
Le second texte examiné a, lui, mis le feu aux poudres. Les élus ont débattu du projet de délibération modifiant les statuts de l’Agence pour le remboursement de la dette COVID (ARDC-NC).
Créée en 2017, l’agence devait à l’origine rembourser les taxes à l’importation collectées lors du passage à la TGC.
Mais les crises successives, sanitaire, énergétique, économique, ont peu à peu transformé cette structure en outil de survie budgétaire.
Le projet prévoyait de rebaptiser l’ARDC en Agence pour le remboursement des dettes collectives de la Nouvelle-Calédonie, élargissant ainsi son champ d’action à l’ensemble des dettes publiques du territoire.
En clair : non seulement les dettes COVID, mais aussi celles d’Enercal, du RUAMM, et des emprunts contractés après la crise de mai 2024.
Deux emprunts contractés auprès de l’Agence Française de Développement (AFD) pour 49,5 milliards F.CFP, trois autres par des établissements publics (OPT, PANC, Fonds Nickel) pour 4,5 milliards F.CFP, et un prêt garanti par l’État de 119 milliards F.CFP : le total dépasse les 187 milliards de francs.
Pour 264 000 habitants, la dette par tête atteint des niveaux inédits.
Dans une posture lucide, elle a rappelé l’ampleur du défi tout en posant la vraie question : comment, en trente ans, une collectivité aussi petite a-t-elle pu générer une dette d’une telle ampleur ?
Même Louis Mapou, ancien président du gouvernement, habituellement mesuré, a exprimé son étonnement :
Pourquoi la Nouvelle-Calédonie serait-elle la seule à assumer les charges de la dette ?
Face à ce constat, les élus ont choisi la prudence. Une motion préjudicielle, déposée par Calédonie Ensemble, a été votée à l’unanimité.
L’examen du texte est donc reporté, une manière d’éviter la faute politique, mais aussi un symbole d’impuissance collective.
État, Enercal, RUAMM : les factures du modèle calédonien
La dette envers Enercal, conséquence directe de la crise énergétique de 2024, s’élève à 20,6 milliards F.CFP au 30 septembre 2025.
Le RUAMM, lui, affiche un déficit net de 25,14 milliards F.CFP, dont 34,89 milliards dus aux hôpitaux, compensés par 9,75 milliards de dettes de cotisations hospitalières.
Ce système en vase clos illustre les failles d’un modèle social surendetté, où les structures publiques se doivent mutuellement des milliards.
Le remboursement de la dette Enercal devrait s’étaler sur quatre ans à compter de 2026, tandis que le RUAMM cherche toujours un plan de redressement crédible.
Dans cette spirale, la voix de Sonia Backès, présidente de la province Sud, a porté :
Il faut que l’État assume au moins les intérêts de la dette pour les années de relance 2026 et 2027
Une position ferme mais réaliste, traduisant l’exaspération d’une partie de la classe politique face à la lenteur des solutions structurelles.
Car le constat est simple : la Nouvelle-Calédonie ne peut plus tout financer seule.
Les emprunts garantis par Paris témoignent d’une dépendance accrue à l’État, mais aussi d’une absence de maîtrise budgétaire locale. Les élus du boulevard Vauban sont désormais placés devant leurs responsabilités : assumer la rigueur.
Pour la majorité des Calédoniens, une certitude s’impose : le temps des demi-mesures est terminé.