Un retour qui fait grincer des dents. À Paris, la justice a tranché : Christian Tein, ex-chef de la CCAT et président du FLNKS, pourra regagner la Nouvelle-Calédonie. Un choix que beaucoup jugent irresponsable.
Une décision judiciaire à haut risque pour la paix civile
La Cour d’appel de Paris a confirmé, ce jeudi 16 octobre 2025, la levée du contrôle judiciaire de Christian Tein, lui permettant de retourner sur le Caillou. À 57 ans, l’homme qui fut le chef de file de la CCAT lors des émeutes du 13 mai 2024 retrouve ainsi sa liberté de mouvement. Incarcéré en métropole pendant un an pour des faits de violences et de destructions en bande organisée, Tein avait bénéficié d’un assouplissement fin septembre, avant que le parquet ne fasse appel.
La décision du jour choque, car derrière le jargon judiciaire, c’est tout un pays qui retient son souffle. Vols avec armes, association de malfaiteurs, destructions massives : la liste des chefs d’accusation donne froid dans le dos. Et dans les esprits calédoniens, la cicatrice de mai 2024 ne s’est pas encore refermée. Pour beaucoup, permettre à Tein de revenir, c’est jeter de l’huile sur un feu encore fumant.
Une pétition citoyenne, lancée dès l’annonce du retour de Tein, a déjà recueilli 10 808 signatures au 17 octobre. Un signal fort, révélateur du rejet profond qu’inspire l’homme à une large partie de la population loyaliste. Car si la justice métropolitaine se veut impartiale, elle semble ici déconnectée du terrain, des réalités d’un archipel encore traumatisé.
Le spectre du 13 mai : une plaie encore vive
Les émeutes de mai 2024 ont bouleversé la Nouvelle-Calédonie. Bilan : 14 morts, des milliards de francs CFP de dégâts et une économie locale durablement asphyxiée. À l’origine de la mobilisation, la CCAT, structure opaque pilotée par Christian Tein, est accusée d’avoir orchestré une vague de violences inédite depuis les années 1980.
Depuis son arrestation en juin 2024 et son transfert vers la métropole, Tein n’a cessé de clamer son innocence, se présentant comme un simple porte-voix du peuple kanak. Mais pour les Calédoniens, le souvenir des nuits d’émeute, des commerces incendiés, des familles terrées chez elles, reste vif. Revoir Tein fouler le sol calédonien, c’est raviver les fantômes du chaos.
Dans les quartiers sinistrés, on craint déjà un effet d’entraînement sur les plus radicaux, prompts à rejouer les scènes de guérilla urbaine de 2024.
Le FLNKS triomphant, les Calédoniens inquiets
En métropole, depuis plusieurs mois, Christian Tein multiplie les apparitions publiques. Invité à la Fête de l’Humanité, reçu sur des plateaux télé, il s’affiche comme un Che Guevara des temps modernes, drapé dans son combat indépendantiste. Une posture qui choque jusque dans les rangs modérés du FLNKS. Car pendant que certains militent pour un apaisement, Tein continue d’attiser les tensions, brandissant la cause kanak comme une bannière de revanche.
Sur le Caillou, la situation reste explosive. Les forces de l’ordre redoutent de nouvelles mobilisations dès son arrivée. L’économie, déjà exsangue, peine à se relever, et la jeunesse kanak, privée d’emploi, devient une proie facile pour les discours incendiaires.
Dans ce contexte, le retour de Christian Tein n’a rien d’un geste humanitaire. C’est un pari risqué de la justice française, qui semble oublier la fragilité du tissu social calédonien. À trop vouloir prouver son impartialité, elle en oublie l’essentiel : la sécurité et la cohésion d’un territoire qui fait encore partie de la République.
Le retour de Tein illustre un mal plus profond : le fossé entre la justice parisienne et la réalité calédonienne. À Paris, on raisonne en droit. À Nouméa, on vit encore dans la peur. Là-bas, les habitants ne débattent pas de procédure, mais de survie. Les victimes de 2024 n’ont toujours pas été indemnisées, des entreprises ont fermé, et des familles entières vivent avec le traumatisme des violences.
Face à cela, le retour du leader indépendantiste sonne comme une provocation. Les Calédoniens fidèles à la France y voient un signe d’abandon. Et à un an du prochain scrutin local, cette décision risque d’attiser les rancunes et de durcir encore la fracture communautaire.
Alors que Paris parle de réconciliation, le terrain parle de justice. Et dans cette tension, le retour de Christian Tein n’est pas une simple affaire judiciaire : c’est un test de loyauté envers ceux qui, dans l’archipel, continuent de croire à la République française.