TRIBUNE. Face à la montée des tensions et à la fragmentation du projet SCAF, la question du réarmement européen se fait pressante. Dans un ciel disputé, la France, forte du succès du Rafale, demeure la seule à maîtriser pleinement l’art du combat aérien, estiment Les Arvernes*.

La cause est entendue : le besoin pour la France et pour les Européens de se réarmer, après des décennies à nier la violence inhérente à la société internationale, est patent. Pas une semaine sans que cette nécessité absolue ne soit claironnée par nos dirigeants. Alors les dernières semaines ont été marquées par la succession d’envoi de drones russes jusque et y compris au-dessus des États baltes et de la Pologne, que l’on évoque un mur anti-drones à l’Est, une chose est certaine : la bataille se jouera en grande partie dans les airs. La question de la modernisation de l’aviation de combat est donc cruciale.
Rien de bien nouveau dirait-on. André Maurois, dans Choses nues, chronique des années 1927 à 1939, raconte comment Winston Churchill, alors totalement marginalisé sur la scène politique britannique, l’avait enjoint d’écrire sur ce qu’il estimait être le plus grand danger pour le monde libre : l’écart de performance entre l’armée de l’air française et l’armée de l’air allemande. La suite est connue, y compris le désespoir du chef d’État-major de l’armée Charles Vuillemin quand il constatera en août 1938 qu’effectivement l’aviation militaire allemande avait une guerre d’avance.
Un tel détour historique n’est pas totalement fortuit, au moment où en fait d’Allemagne, de France et d’aviation de combat, le projet commun SCAF a connu au cours des dernières semaines de vives tensions. Que l’Allemagne, qui découvre depuis quelques années que la Chine ne sera plus le sage client qu’elle a été, que la Russie n’est pas qu’un fournisseur de gaz sans objectifs politiques, que l’Amérique a ses priorités, que son industrie souffre, que sa scène politique se désintègre sous le coup d’une extrême droite dont nos amis allemands nous avaient pourtant juré qu’elle était chose du passé, panique quelque peu, cela se comprend.
Savoir-faire militaire
Qu’elle remise – parfois brutalement – la mythologie à laquelle elle n’a jamais vraiment cru d’un couple franco-allemand fantasmé à Paris par des dirigeants Français dont l’horizon politique a depuis longtemps cessé d’être la France pour faire avancer ses seuls intérêts se comprend également. C’est presque, pour qui a un peu de mémoire, rassurant.
En revanche, il est moins compréhensible, mais au fond pas si surprenant ni nouveau non plus, que certains entretiennent une petite musique visant, pour des raisons industrielles, à dénigrer les capacités de tel ou tel concurrent. Or c’est bien ce à quoi l’on assiste depuis quelques semaines, alors même que le savoir-faire militaire français est l’un des très rares atouts dont notre pays dispose en matériel industriel et plus largement en matière d’influence en Europe et dans le monde.
Disons-le tout net : le sujet de la défense est trop grave, trop de temps a été perdu, pour faire droit aux chicailleries de tel ou tel revanchard. Il s’agit d’un sujet politique essentiel pour notre pays et plus largement l’Europe, qui s’est beaucoup fourvoyée dans le passé avec une longue litanie d’échecs industriels, de programmes en coopération mal conçus.
Seule la France peut sans forfanterie affirmer qu’elle sait faire un avion de combat qui s’est avéré un succès commercial
Dans ce contexte, il n’est pas inutile d’en revenir aux faits. Après tout, si Paul Valéry dans un texte mémorable a vu dans la méthode le vrai tempérament de l’Allemagne, si Descartes a aussi placé la méthode au cœur de la pensée français, avec un peu de méthode, à défaut de politique et parfois d’honnêteté intellectuelle, le réel devrait s’imposer. Or, le réel, c’est que la France, avec le Rafale, a su bâtir un avion de combat, dernier d’une longue série de succès aéronautiques qui atteste d’une expérience incontestable. Cet avion, qui s’exporte, a prouvé sa capacité au combat. C’est bien ce que pensent jusqu’à preuve du contraire l’armée de l’air et la marine françaises. C’est aussi ce qu’estime l’Inde qui l’a utilisé récemment et qui envisage plus que sérieusement de continuer à s’équiper de tels appareils, ou l’Indonésie qui a annoncé son souhait d’en commander à nouveau.
En définitive, si, comme le souligne Vauvenargues, « certains parlent de choses avec tant de simplicité que la plupart des hommes ne s’imaginent pas qu’ils en parlent avec profondeur », redisons ici simplement une réalité au service de tous, Français, Allemands, Européens : seule la France peut sans forfanterie affirmer qu’elle sait faire un avion de combat qui s’est avéré un succès commercial, opérationnel et budgétaire. Qui peut en dire autant ?
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