Et si tout se jouait dès les premiers mois de vie ? À Nouméa, une équipe du CHT œuvre chaque jour pour que chaque enfant ait les mêmes chances de grandir, malgré les différences ou les fragilités du départ.
Dépister tôt pour ne pas subir plus tard
Face aux troubles du développement, l’inaction n’est pas une option. Depuis plus de quinze ans, le Dispositif d’Action Médico-Sociale Précoce (DAMSP) du CHT de Nouvelle-Calédonie agit là où tout commence : dans les premières années de vie.
Chaque année, près de 800 enfants bénéficient d’un suivi attentif, dont une soixantaine de nouveaux cas. Le principe est simple et efficace : agir tôt pour réparer vite.
Médecins, psychomotriciens, orthophonistes, ergothérapeutes, éducateurs spécialisés, psychologues… cette équipe pluridisciplinaire incarne une conviction forte : le handicap n’est pas une fatalité, à condition de le détecter à temps.
Les suivis débutent souvent dès les premiers mois, notamment pour les bébés prématurés ou ceux qui ont souffert à la naissance. L’objectif est clair : prévenir plutôt que guérir, et permettre à l’enfant d’atteindre une autonomie réelle avant six ans.
Je ne vois jamais un enfant seul, explique Hélène Dehesdin, psychomotricienne. Chaque bilan est un moment de partage avec les parents, pour leur apprendre à observer et à stimuler leur enfant.
Son approche repose sur le jeu, la patience et la transmission : quelques cubes, une poupée, une tasse suffisent pour déclencher des progrès. Car l’enfant apprend en jouant, et le parent apprend en regardant.
Réconcilier le corps, les émotions et la famille
La psychomotricité, au cœur du DAMSP, vise à réconcilier le corps et l’esprit. Quand un enfant polyhandicapé parvient à s’asseoir seul ou à flotter dans l’eau lors d’une séance de balnéothérapie, c’est tout son rapport au monde qui change.
Mais le moteur du progrès reste la famille. Les parents, souvent déboussolés, trouvent au DAMSP un espace d’écoute et d’apprentissage. Les professionnels les guident, les rassurent, mais aussi leur rappellent une vérité essentielle : l’enfant a besoin de cadre autant que d’amour.
La frustration, expliquent-ils, n’est pas une punition, mais un repère éducatif : elle structure, protège et permet à l’enfant de se sentir en sécurité.
Ensemble, les familles et les soignants tissent une alliance fondée sur la responsabilité partagée : chaque geste compte, chaque progrès se célèbre.
Une philosophie qui s’oppose frontalement au relativisme ambiant et à l’idéologie du « tout se vaut ».
Une équipe engagée face aux nouveaux défis : les écrans, ennemis invisibles
Depuis quelques années, un nouveau fléau inquiète les professionnels : le syndrome d’exposition précoce et prolongée aux écrans (EPPE).
En Nouvelle-Calédonie comme ailleurs, les enfants surexposés aux tablettes, téléphones et télévisions développent des retards de langage, des troubles de la concentration ou des difficultés d’interaction sociale.
Les conséquences sont graves : certains finissent par être reconnus en situation de handicap.
Pourtant, ce handicap-là est évitable. Les règles de prévention sont claires et devraient relever du bon sens :
Aucun écran avant trois ans ;
Temps limité et accompagné d’un adulte après trois ans ;
Parler, jouer, lire chaque jour avec son enfant.
Ces gestes simples sont les vraies clés du développement. Ils rappellent qu’un écran ne remplacera jamais un regard, une voix, une présence.
Le DAMSP agit donc aussi sur le terrain de la prévention, en alertant les parents sur ces dangers modernes.
Car défendre l’enfance, c’est aussi résister à la facilité technologique et affirmer que l’éducation commence à la maison, bien avant l’école.