Vingt-huit ans après la disparition du journaliste Jean-Pascal Couraud, l’ancien président polynésien Gaston Flosse a été entendu pour la première fois. Une audition attendue, menée le 13 juin dernier par une juge d’instruction décidée à faire la lumière sur l’un des dossiers les plus explosifs de la Ve République dans le Pacifique.
Flosse face à la juge : “JPK n’a jamais été une cible de mon service”
C’est une première historique. À 94 ans, Gaston Flosse, ancien homme fort de la Polynésie française, a enfin été entendu comme témoin dans l’affaire JPK, ce journaliste disparu mystérieusement en 1997. Selon les informations de l’AFP, l’audition a eu lieu le 13 juin dernier à Papeete, sous la conduite de la magistrate récemment nommée à ce dossier figé depuis trop longtemps.
L’enjeu : comprendre le rôle de la présidence Flosse, de son service de renseignement (SED) et du Groupement d’intervention de la Polynésie (GIP) dans ce que beaucoup considèrent comme une affaire d’État locale.
Face à la juge, Flosse a nié toute implication directe ou indirecte dans la disparition du journaliste. Il a qualifié Jean-Pascal Couraud d’« opposant violent contre le gouvernement », mais a martelé qu’il « n’a jamais été une cible du SED ». Une affirmation qui tranche avec les déclarations de plusieurs agents, dont le chef du service, qui ont reconnu avoir surveillé JPK dans les années 1990.
Cela me semble impossible qu’elle ait dit cela, a encore réagi Flosse lorsqu’on lui a évoqué un témoignage accusant son ancienne secrétaire d’avoir affirmé que le journaliste avait été tué sur ses ordres.
Une affaire relancée, mais toujours sans vérité judiciaire
L’audition de Gaston Flosse était réclamée depuis des années par la famille Couraud. Pour Philippe Couraud, le frère du journaliste :
ces auditions sont absolument nécessaires tant il est apparu au fil de l’enquête que Gaston Flosse pouvait être l’instigateur de la disparition de Jean-Pascal Couraud.
Mais après presque trois décennies, la vérité reste ensevelie sous des zones d’ombre. Quatre personnes demeurent mises en examen : le chef et un membre du GIP, la compagne de JPK et son amant de l’époque.
L’une des hypothèses centrales de la justice évoque une intimidation du GIP ayant mal tourné, une piste que les enquêteurs peinent toujours à étayer, malgré les aveux partiels et les témoignages contradictoires.
Le parquet n’a pas souhaité commenter, tandis que Flosse, fidèle à son style, n’a pas cherché à se dérober :
J’ai toujours servi la Polynésie dans le respect de la loi, aurait-il déclaré selon une source proche de la défense.
Une phrase qui résonne comme une manière de revendiquer sa droiture politique face à ses détracteurs.
Le patriarche de la Polynésie, figure controversée mais incontournable
Derrière l’affaire, c’est toute l’histoire d’un pouvoir polynésien à l’ancienne qui refait surface. Gaston Flosse, allié historique de Jacques Chirac, a dirigé la Polynésie française de 1984 à 2004, puis à plusieurs reprises jusqu’en 2014.
Maire de Pirae, député, sénateur, secrétaire d’État… le vieux lion de Papeete a façonné le paysage politique local comme nul autre.
Condamné dans de multiples affaires de favoritisme et de détournement de fonds, il a été déclaré inéligible à plusieurs reprises, mais reste une figure tutélaire du camp autonomiste et du gaullisme océanien.
Aujourd’hui, à l’âge où d’autres écrivent leurs mémoires, Flosse continue de défendre son héritage politique, refusant d’être réduit à ses démêlés judiciaires.
Pour lui, comme pour beaucoup de ses partisans, l’affaire JPK est devenue un symbole d’acharnement politico-judiciaire.
Je n’ai jamais fait disparaître personne. J’ai dirigé un pays, pas une mafia, aurait-il confié en privé à un proche.
Vingt-huit ans après, l’ombre de JPK plane encore sur la Polynésie. Mais une chose est sûre : le vieux chef n’a pas dit son dernier mot.















