Les chiffres sont têtus, et ceux de Wallis-et-Futuna en disent long. Dans cet archipel souvent oublié, le crédit progresse, mais les dépôts s’essoufflent, tandis que les banques locales cèdent du terrain face aux établissements extérieurs. Un signal fort : le territoire vit au rythme d’une économie sous perfusion monétaire venue d’ailleurs.
Le crédit bondit, mais sous dépendance extérieure
C’est un paradoxe typiquement ultramarin : les crédits flambent, mais sans que la dynamique locale ne suive. Sur les six premiers mois de 2025, l’encours sain des crédits a bondi de 61,5 % sur un an, atteignant 9,1 milliards de F CFP. Une explosion en trompe-l’œil : elle est tirée par les établissements non installés localement, ces acteurs métropolitains ou régionaux qui financent désormais les trois quarts des prêts aux entreprises et près de la moitié de ceux des ménages.
En clair : l’argent vient d’ailleurs, pas du territoire.
Les banques locales, elles, reculent. Leur encours de crédit chute de 6,8 %, avec un repli de 7,7 % pour les ménages et de 5,4 % pour les entreprises. Dans le même temps, les créances douteuses nettes explosent, passant de 2,8 % à 5,4 % en six mois. Un signal d’alarme pour une économie fragile, où l’endettement augmente plus vite que la capacité de remboursement.
Les dépôts reculent, la confiance s’effrite
Autre clignotant rouge : les dépôts bancaires baissent. À fin juin 2025, ils s’élèvent à 5,5 milliards de F CFP, soit une baisse de 2,2 % sur un an. Les ménages puisent dans leur épargne, les entreprises réduisent leurs placements, et les actifs financiers des établissements locaux reculent à 7,1 milliards de F CFP.
Les entreprises, en particulier, se désengagent : leurs actifs chutent de 12,6 %, tandis que ceux des collectivités locales progressent modestement (+15 %). Résultat : la position extérieure nette du territoire s’effondre de 76 % en un an, conséquence directe du retrait des avoirs hors zone d’émission.
Face à cette érosion, les chiffres sont clairs : le solde emplois-ressources clientèle se contracte, passant à 2,7 milliards de F CFP, en baisse de 1,3 %. Autrement dit, Wallis-et-Futuna prête moins qu’il ne dépose, mais cette avance financière s’effrite mois après mois.
Fiduciaire en hausse : quand le cash reprend le pouvoir
Dans un contexte d’instabilité financière, le billet redevient roi. La masse monétaire (M3) augmente légèrement (+3,2 %), portée par une hausse de 12 % de la circulation fiduciaire. Les Wallisiens et Futuniens font le choix du concret : mieux vaut avoir son argent en main que de le laisser dormir dans une banque fragilisée.
Les dépôts à vue reculent (-1,1 %), tout comme les livrets d’épargne (-6,2 %). C’est la preuve d’un repli de la confiance dans le système bancaire local, miné par la dépendance aux capitaux venus de l’extérieur et par la raréfaction des crédits directs.
Dans cette économie insulaire, l’évolution monétaire traduit plus qu’un simple mouvement comptable : c’est un baromètre de souveraineté économique. Plus les flux se déplacent vers des banques étrangères, plus le pouvoir financier du territoire s’amenuise. Et derrière les pourcentages se joue un enjeu de fond : celui de la maîtrise de son avenir économique, entre autonomie locale et dépendance financière.















