Les jeunes Français doutent, s’interrogent, se comparent. Entre diplômes dévalorisés, logements inaccessibles et emplois précaires, une génération entière a le sentiment de régresser là où ses aînés progressaient. Une note officielle vient bousculer les certitudes.
Le diplôme, un atout devenu monnaie de singe
Autrefois symbole d’ascension sociale, le diplôme ne garantit plus grand-chose. En 1975, un jeune sur cinq sortait de l’université. En 2023, ils sont plus d’un sur deux, mais pour quel résultat ? Le marché du travail s’est durci, les emplois intermédiaires se sont raréfiés, et les jeunes surdiplômés se retrouvent parfois sous-employés.
La France a fabriqué une génération bardée de masters mais privée d’ascenseur social. En 2024, 15 % des jeunes actifs estiment occuper un poste inférieur à leurs compétences. Une frustration silencieuse, mais profonde. L’égalité des chances s’est transformée en loterie sociale, où le mérite pèse moins que le réseau ou l’origine familiale.
Et le constat est cruel : les diplômes se multiplient, mais les emplois stables se raréfient. À 25 ans, seuls 35 % des jeunes travaillent, et moins de la moitié d’entre eux disposent d’un CDI. En 1982, c’étaient trois quarts. Cette chute vertigineuse traduit un pays où l’emploi des jeunes est devenu la variable d’ajustement de l’économie.
Le logement, l’autre fracture générationnelle
C’est le grand cauchemar de la jeunesse : se loger. Dans les années 1970, un jeune actif pouvait acheter un appartement après dix ans de remboursements. En 2025, il lui en faut plus du double : vingt-trois ans. Une génération entière est condamnée à la location, ou à l’attente d’un héritage qui arrive de plus en plus tard : 52 ans en moyenne aujourd’hui, contre 43 ans dans les années 1980.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le patrimoine s’est concentré entre les mains des plus de 60 ans, tandis que les moins de 35 ans s’en éloignent chaque année un peu plus. Ce n’est plus une simple impression : les jeunes Français sont réellement exclus de la propriété, et donc de la stabilité.
Le logement devient le symbole d’un pays où l’effort ne paie plus. Là où les parents construisaient, les enfants s’endettent à vie. L’effort financier des locataires a plus que doublé en cinquante ans, alors que les revenus, eux, progressent à peine. Une situation intenable, qui alimente un sentiment d’injustice sociale autant qu’un découragement collectif.
Le travail, moins dur mais plus vide de sens
Certes, les jeunes d’aujourd’hui travaillent moins d’heures par an qu’en 1975 : –17 % en moyenne, selon le Haut-Commissariat. Le confort matériel, la technologie et le temps libre se sont étendus. Mais à quel prix ? Derrière cette baisse du temps de travail se cache une autre réalité : le travail n’a jamais semblé aussi précaire et déconnecté du mérite.
Les horaires atypiques explosent, les contrats courts se banalisent, et la notion de carrière s’effrite. Le temps libre, lui, a augmenté d’une heure vingt par jour depuis 1974. Mais cette liberté apparente cache un malaise : celui d’une jeunesse sans repères économiques, ni projection stable.
Le salaire d’un premier emploi reste en moyenne 10 % supérieur à celui des années 1970, inflation comprise. Mais ce gain est englouti par les loyers, les impôts et la perte de pouvoir d’achat. Les jeunes Français ne manquent pas d’énergie, ils manquent d’horizon.
Quand 73 % des Français déclarent que « c’était mieux avant », ils ne cèdent pas seulement à la nostalgie. Ils expriment une vérité sociale : la promesse républicaine de progrès s’est fissurée.
L’école ne protège plus, le travail n’émancipe plus, et la propriété s’éloigne. Ce triptyque : éducation, emploi, logement, formait le socle du pacte social français. Aujourd’hui, il se délite.
Ce déclassement n’est pas une vue de l’esprit. Il traduit une fracture entre les générations qui ont hérité d’un pays en croissance et celles qui, désormais, doivent apprendre à vivre dans la stagnation. Une jeunesse lucide, fatiguée, mais qui attend surtout qu’on lui redonne la fierté de construire plutôt que de subir.















