En mission pour Air Vanuatu, Air Calédonie étend ses ailes régionales. Une opération rentable, mais questionnée.
Une opération inédite entre Nouméa et Port-Vila
Depuis mi-octobre, Air Calédonie a pris les commandes des liaisons aériennes entre Port-Vila, Santo et Tanna, au Vanuatu, pour le compte de la compagnie nationale vanuataise. En cause : Air Vanuatu ne dispose plus de son ATR habituel, cloué au sol pour des raisons techniques et financières.
Face à cette carence, la compagnie calédonienne a monté en quelques semaines une organisation complète, déployant un ATR et une équipe opérationnelle dédiée.
Concrètement, l’avion quitte Tontouta le lundi soir pour rejoindre Port-Vila, avant d’assurer cinq rotations sur Tanna et deux sur Santo chaque semaine. Le vendredi midi, l’appareil revient à Nouméa afin de garantir les vols domestiques du week-end.
Un montage ingénieux, salué pour son efficacité.
C’est un moyen malin de rentabiliser une flotte sous-utilisée sans impacter les dessertes locales
commente un observateur du secteur.
Un souffle économique bienvenu pour une compagnie en perte de vitesse
Cette mission temporaire, prévue sur deux mois, offre à Air Calédonie une bouffée d’oxygène financière. En période de trafic intérieur atone, la compagnie voit là une source de revenus complémentaires et l’occasion d’optimiser ses ressources humaines et matérielles.
Une opération salutaire, à première vue, pour une société qui peine depuis plusieurs années à équilibrer ses comptes. Les retards de vols, les tensions sociales récurrentes et les critiques sur le prix des billets domestiques ont terni son image.
C’est bien d’aller aider nos voisins, mais qu’en est-il des retards à Lifou ou Maré ?
interroge un usager calédonien sur les réseaux sociaux. Cette remarque résume un malaise : si le geste vers le Vanuatu séduit sur le papier, certains craignent que la compagnie délaisse ses priorités locales.
Entre fierté régionale et risque de dispersion
Sur le plan diplomatique, cette coopération renforce les liens historiques et économiques entre la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu. L’État comme le gouvernement calédonien y voient un geste d’intégration régionale, dans l’esprit du “Pacifique solidaire”.
Mais sur le plan opérationnel, le pari n’est pas sans risque. Air Calédonie, déjà fragilisée par la baisse du trafic inter-îles, consacre un appareil et une équipe entière à une mission extérieure. Un choix stratégique que certains jugent aventureux.
La compagnie doit d’abord retrouver la confiance des Calédoniens avant de s’exporter
confie un ancien cadre du transport aérien. En clair : aider Air Vanuatu, oui, mais pas au détriment du service public calédonien.
Une stratégie entre redressement et diversion
Air Calédonie affiche ici une volonté claire : sortir de l’ornière économique en diversifiant ses revenus. Ce contrat ponctuel illustre la capacité d’adaptation de ses équipes, souvent sous-estimée.
Cependant, le signal envoyé reste ambigu : en période de sous-fréquentation locale, faut-il chercher des missions à l’extérieur ou réformer le modèle intérieur ?
À moyen terme, la compagnie devra prouver que cette excursion vanuataise n’était pas un simple coup d’éclat opportuniste, mais une étape vers une véritable stratégie régionale maîtrisée, fondée sur la fiabilité et la transparence.
Cette collaboration entre Air Calédonie et Air Vanuatu illustre le meilleur et le pire du transport aérien calédonien : une compagnie agile, capable de rebondir, mais toujours à la recherche de son équilibre.
Pour que ce partenariat ne devienne pas un écran de fumée, il faudra que les Calédoniens perçoivent enfin les bénéfices concrets sur leurs propres lignes.
Sinon, la compagnie risque de voler haut dans le Pacifique… mais de perdre pied sur son propre territoire.














