Après deux semaines de débats sans issue, le budget 2026 reste un casse-tête politique. Entre ordonnances inédites, menace de 49.3 et hypothèse d’une loi spéciale, ni les députés ni le gouvernement ne savent comment le texte atterrira. Un brouillard budgétaire inédit sous la Ve République.

C’est la question à un million d’euros. Comment le budget va-t-il atterrir ? Voilà plus de deux semaines que les députés planchent sur les textes. Dans les couloirs du palais Bourbon, chacun y va de son pronostic. « Cette affaire va se finir par ordonnances ! » parie le député Liot Harold Huwart. « Ou par une loi spéciale », renchérit le député RN Sébastien Chenu. « Un shutdown à la française, ça existe ? » interroge un troisième larron. Le Premier ministre a exclu d’emblée les ordonnances. « Leur retour entraînerait automatiquement une censure », glisse un proche. Ce recours, prévu par la Constitution, ne s’applique que si l’Assemblée ne s’est pas prononcée dans les délais : 70 jours pour le budget de l’État, 50 pour celui de la Sécurité sociale.
Ordonnances, 49.3 ou loi spéciale ?
Passé ce cap, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnances – une procédure jamais utilisée sous la Ve République. Personne, à commencer par le chef du gouvernement, ne souhaite en arriver là. D’où ses efforts pour amadouer les socialistes. Dernières concessions en date – et non des moindres : le renoncement au gel du barème de l’impôt sur le revenu et des minima sociaux, ainsi que l’augmentation de la CSG sur les revenus du capital. De là à imaginer un vote favorable sur le Projet de loi de finance ou sur le budget de la Sécurité sociale ? Personne n’y croit vraiment.
Si, par extraordinaire, Sébastien Lecornu – qui répète à l’envi que ce budget n’est pas celui du gouvernement – fait avancer la copie finale, remodelée au fil des allers-retours entre les deux chambres, jusqu’à la commission mixte paritaire, bien peu sont ceux qui parient sur un compromis final. Là encore, ça coince, à moins… d’un retour du 49.3, qui permettrait d’éviter aux socialistes d’avoir à approuver le budget pour se réfugier dans une abstention embarrassante. Au passage, ils assumeraient le ridicule de se soumettre à une procédure dont ils ont exigé qu’elle soit écartée. « Politiquement, le coût serait énorme. Tout le monde connaît désormais le 49.3, symbole d’un passage en force, et son image est durablement négative dans l’opinion », souligne le constitutionnaliste Benjamin Morel.
Bien peu sont ceux qui parient sur un compromis final
L’hypothèse de Sébastien Chenu induit que le budget soit rejeté dans les temps. Le Parlement pourrait alors adopter une loi spéciale pour assurer la continuité des services publics – comme cela avait été fait après la censure du gouvernement Barnier fin 2024 – en attendant le vote du budget définitif. Une solution de secours, mais loin d’être idéale. « Elle se contente de reconduire les impôts et les endettements de l’année précédente », avertit Benjamin Morel. Elle ne freine pas la flambée des déficits et prive plusieurs ministères de marges de manœuvre budgétaires, y compris dans des secteurs stratégiques. La défense, par exemple, devait voir son enveloppe augmenter de 6,5 milliards d’euros sur 2026 et 2027, dans un contexte international toujours plus tendu. Une difficulté que le gouvernement pourrait partiellement surmonter grâce aux décrets d’avance, ces outils qui lui permettent d’ouvrir des crédits en cas d’urgence.
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