La tension monte dans les cercles économiques calédoniens. Un an après une enquête très médiatisée pour entente présumée, la Fédération des Entreprises et Industries de Nouvelle-Calédonie (FEINC) dénonce les “méthodes partiales et déconnectées” de l’Autorité de la concurrence (ACNC). L’affaire, classée sans suite en septembre 2025, relance un débat fondamental : celui de la transparence des institutions indépendantes face à l’opinion publique et aux acteurs économiques.
L’enquête qui n’a jamais vraiment existé
Le 12 juillet 2024, la FEINC apprend qu’elle fait l’objet d’une enquête préliminaire pour “suspicion d’entente anticoncurrentielle”. L’ACNC soupçonne alors des industriels, importateurs et commerçants d’avoir tenté de “verrouiller l’importation de produits de première nécessité”.
Mais selon la FEINC, ces réunions n’avaient rien de clandestin : elles avaient été initiées par le gouvernement après les émeutes de mai 2024 pour sécuriser l’approvisionnement.
Ces discussions étaient légitimes et encadrées. Parler d’entente illégale était absurde
s’indigne un membre du bureau fédéral. Ce que dénonce aujourd’hui la FEINC, c’est le traitement médiatique disproportionné orchestré, selon elle, par l’ACNC.
Faire le buzz n’est pas le rôle d’une autorité indépendante
martèle un industriel. L’enquête aura duré plus d’un an… pour finir dans le silence absolu.
Une clôture discrète, presque gênée
Le 19 septembre 2025, l’ACNC classe la procédure sans suite, via une simple mention administrative sur son site : aucun communiqué, aucune explication publique, aucune notification officielle à la FEINC.
Un an de soupçons relayés par la presse nationale, et pas une ligne pour dire qu’il n’y avait rien
regrette un chef d’entreprise. Pour la FEINC, cette opacité mine la confiance :
L’honneur se salit en une phrase, il se répare difficilement sans excuses
ironise l’un de ses représentants. La fédération a saisi le président de l’Autorité pour demander réparation morale et équité médiatique : publier la décision de non-lieu avec la même visibilité que les accusations initiales. Mais la réponse du 29 octobre, un refus au nom de “l’indépendance entre la présidence et la rapporteuse générale” a été perçue comme un nouveau camouflet.
La FEINC monte au front
Pour la FEINC, il ne s’agit plus seulement d’un différend administratif. C’est une question de confiance institutionnelle.
Elle accuse désormais l’ACNC d’être idéologiquement orientée, citant ses précédents conflits avec la filière fruits et légumes et l’industrie de transformation.
Depuis sa création, l’Autorité s’emploie à fragiliser la production locale
dénonce la fédération, estimant que cette structure « agit en dehors du réel économique calédonien ». L’organisation va plus loin : elle réclame la dissolution pure et simple de l’ACNC, jugeant que la Nouvelle-Calédonie « n’a ni les moyens ni l’intérêt de financer une institution qui nuit à la production intérieure ».
Un débat plus large : indépendance ou irresponsabilité ?
Ce bras de fer pose une question plus profonde : jusqu’où une autorité indépendante peut-elle aller sans rendre de comptes ?
L’affaire met en lumière un déséquilibre entre le pouvoir d’investigation publique et le droit à la réputation privée.
Une autorité sans garde-fou devient un pouvoir sans limite
résume un juriste local. D’autant que la FEINC rappelle que la mesure incriminée, l’importation temporaire de produits finis a depuis été intégrée au Code de commerce avec l’aval du Congrès, preuve selon elle que l’intérêt général guidait la démarche.
Au-delà du contentieux, l’affaire FEINC–ACNC illustre une crise de confiance entre régulation et production, entre État administratif et économie réelle.
Si l’ACNC s’est tue, la FEINC, elle, a décidé de parler fort. Et son cri de colère résonne bien au-delà des milieux industriels : il questionne la place des contre-pouvoirs dans un territoire où la reconstruction économique reste fragile.
Reste à savoir si, dans ce duel, la vérité sortira du silence… ou du terrain.
















