La France se construit aussi dans ses conquêtes techniques.
Et Le Bourget reste l’une de ces preuves éclatantes : quand la Nation décide, elle avance.
Le Bourget, né de la guerre et façonné par l’urgence nationale
L’histoire du Bourget commence loin des ors de la République, en pleine tourmente de 1914. Alors que Paris doit se protéger des bombardements ennemis, le commandement militaire crée un service aéronautique dédié à la défense de la capitale. Le capitaine Désiré Lucca, chargé de trouver un terrain adéquat, identifie Le Bourget le 9 octobre 1914. Cinq jours plus tard, le site est opérationnel : un premier hangar s’élève, les mécaniciens arrivent, les pilotes rejoignent l’escadrille. La France sait aller vite quand l’enjeu est vital.
Rapidement, le terrain se transforme en un véritable camp aéronautique : nivelé, aménagé, structuré pour soutenir l’effort de guerre. Hangars, ateliers, casernements : un aéroport militaire complet, sorti de terre parce que la Nation refuse la vulnérabilité.
En août 1918, alors que la victoire se rapproche, un premier avion postal décolle pour Saint-Nazaire. Le symbole est immense : même au cœur du conflit, la France invente, innove, avance.
Dès 1919, les avions civils remplacent progressivement les appareils militaires. Le Bourget devient alors le premier aéroport civil de Paris, inaugurant les premières lignes régulières. Dès 1921, six liaisons quotidiennes relient Le Bourget à Londres-Croydon. En 1929, ils sont déjà plus de 45 000 voyageurs à décoller depuis ce site désormais baptisé l’aéroport de Paris-Le Bourget.
Ici, la France n’imite pas : elle ouvre la voie, première du pays à disposer d’une piste en béton utilisable par tous les temps. Une révolution technique, une avance stratégique, une marque de leadership.
Le Bourget, scène des plus grands exploits de l’aviation française et mondiale
Le Bourget n’est pas seulement un aéroport : c’est un théâtre d’exploits. En mai 1927, Nungesser et Coli s’envolent à bord de l’Oiseau blanc pour tenter de rallier New York. Ils disparaissent, mais leur audace irrigue encore l’imaginaire aéronautique français. À l’entrée du site, une statue rend hommage à ces pionniers, ainsi qu’à un autre géant : Charles Lindbergh.
Et c’est bien ici que, le 21 mai 1927, Lindbergh se pose après sa traversée historique de l’Atlantique, accueilli par plus de 200 000 personnes. Une foule immense, un triomphe populaire, un moment de communion nationale.
Trois ans plus tard, en 1930, l’équipage Costes et Bellonte, aux commandes du fameux Point d’interrogation, réalise l’exploit inverse : un Paris–New York en vol direct.
Le Bourget voit encore l’arrivée victorieuse de Mermoz, revenant d’Amérique du Sud symbole d’un pays qui ose conquérir le lointain.
C’est aussi ici que naît, en 1933, la compagnie Air France, fondée sur ce même sol chargé d’histoire. Une France sûre d’elle, une France tournée vers le monde, une France qui croit en sa puissance aérienne.
1937 : Le Bourget devient le « port aérien » du prestige français
Au milieu des années 1930, Paris prépare l’Exposition universelle de 1937. Le gouvernement veut une porte d’entrée aérienne à la hauteur du prestige national. La décision est claire : la France doit montrer qu’elle reste une grande puissance technologique.
En 1935, le ministère de l’Air lance un vaste appel d’offres. Le projet retenu est celui de Georges Labro, architecte audacieux, Grand Prix de Rome. Son idée : un bâtiment massif, rectangulaire, long de 233 mètres, marqué en son centre par une rotonde monumentale avancée comme la proue d’un navire. Une architecture volontaire, solide, assumée.
Le 12 novembre 1937, le président Albert Lebrun et le ministre de l’Air Pierre Cot inaugurent officiellement la nouvelle aérogare. Le « port aérien du Bourget » devient l’un des symboles du prestige français. Une infrastructure pensée pour rayonner, pour accueillir les visiteurs du monde entier, pour affirmer une idée simple : la France compte.
La guerre viendra abîmer les bâtiments, mais pas l’ambition. En 1945, la France célèbre un retour mythique : l’arrivée triomphale des avions du Normandie-Niémen, héros du front de l’Est. Une foule immense acclame ces pilotes français, symbole d’un pays qui se redresse.
À partir de 1953, l’ouverture d’Orly, puis de Roissy, pousse Le Bourget vers une autre vocation : l’aviation d’affaires. Mais là encore, le site renaît. Il devient le terrain du Salon international de l’aéronautique et de l’espace, vitrine mondiale du savoir-faire français. Puis, en 1975, le bâtiment Labro accueille le Musée de l’Air et de l’Espace, l’un des plus grands d’Europe.
Aujourd’hui encore, Le Bourget incarne une part essentielle de l’identité aéronautique française : l’audace, la maîtrise, la grandeur.
À l’heure où certains renoncent, l’histoire du Bourget rappelle une vérité simple : la France est grande quand elle décide de l’être. Quand elle investit, quand elle innove, quand elle assume son ambition.
Le Bourget n’est pas seulement un aéroport : c’est un morceau de souveraineté, un lieu où la France a montré au monde ce dont elle était capable.
Un héritage précieux, un héritage exigeant, un héritage qu’il nous appartient de défendre.















