Sous la chaleur sèche de Bourail, un parfum de rupture flottait au-dessus des débats.
En trois jours, le Palika a bouleversé l’équilibre politique du camp indépendantiste.
Un congrès qui change tout : le Palika rompt avec le FLNKS
Le 50ᵉ congrès du Palika, organisé du 7 au 9 novembre 2025 à Tené (Bourail), devait être un rendez-vous interne, stratégique mais prévisible. Il s’est transformé en coup de tonnerre politique. À l’issue des débats, le parti fondé par Paul Néaoutyine a décidé de quitter le Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste, jugeant que l’organisation « ne correspond plus à ce qui faisait son essence ». Une décision historique, présentée ce 14 novembre par Charles Washetine, porte-parole du parti, qui a assumé un choix « politique, nécessaire et irréversible ».
Cette rupture n’a pas d’équivalent depuis la dissidence de Léopold Jorédié en 1998, lorsqu’il fonda la FCCI aux côtés de Raphaël Mapou et François Burck. Vingt-sept ans plus tard, le Palika opte pour la même clarté stratégique : reprendre la main au sein du mouvement indépendantiste, réaffirmer sa ligne et préparer l’après-Accord de Nouméa dans un contexte totalement bouleversé.
Car le décor politique est explosif : instabilité institutionnelle en France et en Nouvelle-Calédonie après le troisième référendum, fracture sociale depuis les événements de 2024, finances publiques sous tension, jeunesse déboussolée et économie fragilisée. C’est dans ce climat que le Palika a bâti une feuille de route exigeante et volontariste, alignée sur l’Accord de Bougival du 12 juillet 2025, qu’il présente comme la voie crédible vers la souveraineté partagée.
Le mot d’ordre du congrès « Dé yè péyua népê ro Kanaky-NC / Installons l’État de Kanaky Nouvelle-Calédonie » a donné le ton : clarté politique, accélération institutionnelle, recentrage stratégique. Le parti veut stabiliser le pays, sécuriser les services publics et surtout préparer l’installation d’un État Kanaky-NC en partenariat avec la France. Une vision assumée, moins idéologique que méthodique, très éloignée des discours victimaires que certains segments du mouvement indépendantiste ont parfois choisis.
Stabiliser, moderniser, assainir : un plan de refondation pour sortir de la crise
Le premier axe dévoilé par le congrès est d’une sobriété implacable : la refondation et la sortie de crise. Le Palika considère que sans stabilité institutionnelle, aucune souveraineté, aucune réforme et aucune projection économique ne sont envisageables. Il en appelle donc à un cadre politique sécurisé, à une action cohérente de toutes les institutions et à une reprise en main ferme de l’ordre public et des services essentiels.
Les priorités sont clairement établies : cohésion sociale, jeunesse, équité territoriale. Le Palika entend défendre une approche responsable, très loin des postures symboliques. Il revendique une modernisation économique, un assainissement des finances publiques et des réformes clés : fonction publique, fiscalité, transition énergétique, insertion des jeunes par l’entrepreneuriat.
Le parti assume une vision de gouvernance volontariste, estimant que le pays ne peut plus se permettre l’immobilisme ou la fragmentation politique. Cette ligne tranche dans le paysage indépendantiste : moins de slogans, plus d’ingénierie. Selon le parti, seule cette rigueur permettra au pays de sortir durablement des crises de 2024 et de renouer avec un développement cohérent. L’objectif est affiché : éviter une dépendance économique prolongée et renforcer la souveraineté du territoire dans des secteurs stratégiques tels que le nickel et l’énergie.
Installer un État Kanaky-NC : une feuille de route précise, séquencée et assumée
Le deuxième axe est celui qui a le plus marqué les observateurs : la feuille de route institutionnelle. Elle s’articule en trois phases.
La première est celle de la validation politique : clarification des actes fondateurs, consultation citoyenne, débat organisé autour des transferts de compétences régaliennes et du droit à l’autodétermination. Le Palika veut obtenir un large consensus populaire autour de l’Accord de Bougival, présenté comme le socle de la souveraineté en partenariat avec l’État français.
La seconde phase couvre la mandature 2026-2031, durant laquelle le parti veut franchir une étape majeure : préfiguration de l’État Kanaky-NC, élaboration d’une loi fondamentale, définition d’une nationalité calédonienne, structuration des relations extérieures et installation progressive des institutions du futur État. Une vision ambitieuse mais structurée, qui assume la nécessité de définir un cadre clair avant toute proclamation finale.
La troisième phase, à partir de 2031, viserait la finalisation et la reconnaissance internationale du nouvel État. Le Palika ne parle pas d’affrontement institutionnel, mais de transition maîtrisée, en cohérence avec les engagements pris avec la France. Pour y parvenir, le parti compte lancer une vaste campagne de vulgarisation auprès de la population, estimant que la compréhension citoyenne est la seule garantie d’un processus durable.
Cette stratégie marque une rupture nette avec les approches parfois floues ou maximalistes du passé. Le Palika veut montrer un chemin possible, réaliste, conforme au droit international et compatible avec la stabilité locale. Une manière de reprendre l’initiative tout en évitant le piège de la surenchère.
Élections 2026, recomposition interne, mobilisation : le Palika veut reprendre la main
La dernière partie de la stratégie concerne l’année 2026, cruciale. Les élections municipales en mars et les provinciales en juin seront déterminantes pour l’équilibre institutionnel du territoire. Le Palika veut y parvenir sous la bannière UNI – Union Nationale pour l’Indépendance, avec un objectif clair : mobiliser, notamment en Province Sud, où l’abstention fragilise tout le camp indépendantiste.
La sortie du FLNKS ne signifie pas un repli : le Palika affirme vouloir rester moteur du mouvement indépendantiste, tout en ouvrant la porte à une adhésion plus large d’autres forces politiques. Le parti assure vouloir maintenir la concertation pour construire l’État Kanaky-NC, mais refuse désormais les blocages internes qui, selon lui, empêchaient toute dynamique.
Les enjeux prioritaires sont rappelés : cohésion sociale, souveraineté économique, valorisation du nickel, transition énergétique, mobilisation citoyenne pour valider l’Accord de Bougival.
Le 50ᵉ congrès du Palika restera comme un moment de bascule. Le parti fait le choix de l’efficacité politique et d’une souveraineté construite, dans un partenariat assumé avec la France. En quittant le FLNKS, il provoque un séisme, mais surtout ouvre une recomposition profonde du camp indépendantiste.














