Elle a bouleversé un siècle de pratiques locales, souvent figées dans l’entre-soi rural.
La loi du 21 mai 2025 a mis fin à l’exception électorale des petites communes et rappelé une évidence : l’égalité devant le suffrage ne se négocie pas.
Un mode de scrutin unifié : la fin des « petites coutumes » électorales
Depuis des décennies, les communes de moins de 1 000 habitants vivaient selon leurs propres règles, parfois qualifiées de « souples », souvent critiquées pour leur manque de lisibilité démocratique. Avec la réforme de 2025, l’État remet de l’ordre : même mode de scrutin pour tous, partout, sans dérogation.
Le nouveau système repose désormais sur un scrutin de liste proportionnel à deux tours, avec prime majoritaire de 50 % pour la liste arrivée en tête. Une mécanique claire, lisible et surtout stable, conforme à ce que réclament depuis longtemps les élus ruraux attachés à une gouvernance solide.
La parité stricte, imposée par alternance homme-femme, devient la règle. Une contrainte ? Non : une preuve que la démocratie locale n’est pas un espace d’exception où l’on bricolerait encore des listes « comme avant ».
Au premier tour, si une liste franchit la majorité absolue, elle décroche la prime majoritaire et les autres sièges se répartissent selon la plus forte moyenne entre toutes les listes dépassant 5 %.
Si personne n’atteint la majorité, un second tour se tient, réservé aux listes ayant obtenu 10 %, avec possibilité de fusion pour celles dépassant 5 %. Un système simple, efficace, protecteur : fini les bulletins illisibles ou les alliances de dernière minute sans cohérence politique.
En Nouvelle-Calédonie, cette réforme a un impact direct sur quatre communes seulement : à Bélep, Farino, Moindou et Sarraméa, toutes sous le seuil des 1 000 habitants. Pour elles, l’époque du panachage local, des bulletins annotés et des alliances au dernier moment appartient désormais au passé. Elles entrent, elles aussi, dans la rigueur électorale nationale.
Ce qui change vraiment : la fin du panachage et l’entrée dans une démocratie moderne
Le panachage, symbole d’un autre temps, disparaît. Autrefois, chaque électeur pouvait rayer des noms, en ajouter, mélanger les profils : une usine à gaz qui transformait le dépouillement en casse-tête et affaiblissait les équipes municipales élues.
La réforme tranche : plus aucun nom ne peut être rayé, aucune annotation n’est acceptée. Un décret du 6 août 2025 précise d’ailleurs que toute modification manuscrite rend un bulletin nul. Une clarification bienvenue dans ces communes où l’oralité, la personnalisation excessive du vote et parfois la pression sociale pouvaient brouiller la sincérité du scrutin.
Pour autant, la loi n’ignore pas les réalités rurales :
– Une liste est considérée comme « complète » même si elle compte jusqu’à deux noms de moins que l’effectif théorique du conseil.
– Si une liste remporte plus de sièges qu’elle n’a de candidats, les sièges non pourvus restent vacants.
– Après les élections, un conseil municipal est réputé complet dès lors qu’il réunit un minimum d’élus (5, 9 ou 13 selon la taille de la commune).
Ces assouplissements sont pragmatiques : ils permettent de maintenir la vie démocratique dans les communes les plus petites, souvent confrontées à un manque de volontaires.
Le dépôt obligatoire des candidatures, y compris au second tour, renforce la responsabilité politique des candidats. Plus question de surgir à la dernière minute ou de se glisser subtilement dans un second tour sans engagement initial.
Ce qui existait avant : un système dispersé, fragile et difficilement défendable
Avant la loi de 2025, les communes de moins de 1 000 habitants fonctionnaient selon un modèle hérité du XXe siècle : candidatures isolées, groupées, listes informelles, souvent sans parité, sans cohérence politique et avec un panachage qui brouillait tout.
Les électeurs écrivaient, rayaient, modifiaient. Les résultats se comptaient individuellement, parfois au nom près, fragilisant l’autorité des maires et donnant une place exagérée aux logiques personnelles.
En Nouvelle-Calédonie, notamment à Bélep, ainsi qu’à Farino, Moindou et Sarraméa, cette logique créait parfois des conseils fragmentés où les majorités se négociaient au cas par cas, au détriment de la stabilité municipale.
La réforme rétablit une cohésion républicaine : la même règle pour tous, la même exigence, la même rigueur. Un acte de puissance publique assumé, loin du relativisme qui, au nom des « spécificités », laissait prospérer des pratiques datées.
Les élections partielles complémentaires sont maintenues : une sécurité démocratique indispensable lorsqu’il n’y a plus de « suivants de liste » disponibles pour remplacer un conseiller démissionnaire. Là encore, le scrutin se fait selon les mêmes règles, garantissant cohérence et continuité.
Le dispositif modernise la vie municipale rurale tout en respectant son équilibre fragile. En supprimant le panachage, il met fin aux influences individuelles au profit de la responsabilité collective. En unifiant les règles, il affirme que la France n’a pas à tolérer deux modèles de démocratie : l’un clair et moderne, l’autre artisanal et opaque.
La loi du 21 mai 2025 n’est pas qu’un ajustement technique : c’est un sursaut républicain, celui d’un État qui assume enfin d’imposer une règle unique, ferme et lisible, de Dunkerque à Nouméa, de Bélep à Sarraméa.
Une réforme courageuse, nécessaire et surtout juste.















