La crise couvait depuis des mois, elle éclate désormais au grand jour.
Au Médipôle de Koutio, symbole de l’hôpital moderne calédonien, les tensions révèlent une fragilité plus profonde du système de santé.
Une crise sociale révélatrice des failles du système de santé
Le constat est désormais public et assumé. Le Syndicat des infirmiers et des aides-soignants des urgences du CHT alerte sur un système de santé calédonien en danger. Après plus d’un an de réunions, de groupes de travail et de propositions restées sans suite, le syndicat dénonce l’absence de reconnaissance de la pénibilité, le manque de considération pour les spécificités des métiers hospitaliers et un immobilisme salarial jugé intenable.
Dans un contexte budgétaire contraint, marqué par des finances publiques fragilisées, le malaise des soignants ne relève pas d’un simple mouvement d’humeur. Il traduit une usure professionnelle réelle, particulièrement dans les services d’urgences, où la pression humaine et organisationnelle atteint des niveaux critiques. Sans discours victimaires, les professionnels rappellent une évidence : un hôpital public ne tient que par l’engagement de ses femmes et de ses hommes.
Mais réduire la crise du Médipôle à un affrontement social serait une erreur d’analyse. Derrière les tensions visibles, un rouage institutionnel essentiel continue de structurer la stratégie médicale de l’établissement : la Commission Médicale d’Établissement (CME).
La Commission Médicale d’Établissement, colonne vertébrale de la stratégie hospitalière
Souvent méconnue du grand public, la CME du Centre Hospitalier Territorial est pourtant au cœur du fonctionnement du Médipôle de Koutio. Elle représente l’ensemble des personnels médicaux et joue un rôle consultatif majeur sur le budget, le projet d’établissement, l’organisation des activités médicales, odontologiques et pharmaceutiques, mais aussi sur le recrutement et la carrière des praticiens.
Contrairement à certaines caricatures, la CME n’est ni un contre-pouvoir idéologique ni une chambre d’enregistrement. Au CHT, la CME et la direction avancent de concert, avec une boussole clairement assumée : la qualité et la sécurité des soins pour les patients calédoniens. Cette gouvernance repose sur le dialogue, la confiance institutionnelle et des décisions ancrées dans la réalité du terrain, loin des postures politiciennes.
Avec une équipe récemment renouvelée autour d’Emmanuel Couadau et de Claire Heydenreich, la CME s’inscrit dans une logique de responsabilité collective. Objectifs affichés : optimiser les organisations, mieux soutenir les professionnels, renforcer l’attractivité médicale et porter un projet d’établissement tourné vers l’avenir, sans renier les contraintes économiques.
Dans un contexte de crise, la CME apparaît comme un facteur de stabilité, capable d’articuler vision médicale, exigence de gestion et continuité du service public.
Sous-commissions de la CME : expertise, anticipation et continuité des soins
La force de la CME réside aussi dans son organisation interne, structurée autour de sous-commissions spécialisées, véritables outils d’expertise et d’anticipation.
La sous-commission pédagogique des internes détermine quels services sont habilités à accueillir des internes et dans quelles spécialités. Elle veille au respect des critères pédagogiques, à la qualité de l’encadrement et aux moyens mis à disposition, garantissant une formation médicale exigeante, indispensable à l’avenir du système de santé local.
La Commission d’Information Médicale (CIM) est chargée de statuer sur les sujets liés à l’information médicale, un enjeu stratégique pour le pilotage de l’activité hospitalière et la transparence des données.
La sous-commission du matériel biomédical constitue l’organe de référence pour le choix, l’acquisition et l’usage des médicaments, du matériel stérile, des implants et des équipements lourds. Elle sécurise les décisions d’investissement dans un contexte où chaque dépense publique doit être justifiée.
La sous-commission de la formation médicale pilote le développement professionnel continu. Elle répond à une obligation réglementaire et vise le maintien des compétences, l’actualisation des connaissances et l’amélioration des pratiques pour l’ensemble des professionnels de santé.
Enfin, la COMURAMP (commission des urgences et des admissions non programmées) joue un rôle central dans l’anticipation des situations de saturation hospitalière et la gestion des crises, un enjeu crucial au regard des tensions actuelles.
L’ensemble de ces instances s’inscrit dans un cadre juridique précis, défini par la délibération du Congrès n° 114 du 3 août 1978, l’arrêté n° 81-629/CG du 18 décembre 1981, puis la délibération n° 72/CP du 1er août 1997 relative à la CME. L’article 5 impose à ces commissions de se prononcer en amont sur le projet d’établissement, l’organisation médicale, la démarche qualité, les investissements, le budget et les effectifs médicaux.
Dans la tempête actuelle, une certitude demeure : sans gouvernance médicale solide, sans respect du travail des soignants et sans vision stratégique assumée, l’hôpital public ne peut tenir. La CME du CHT, loin des slogans, reste l’un des derniers remparts pour préserver un service public hospitalier exigeant, responsable et au service des Calédoniens.
















