Lors de sa séance de collégialité du mardi 23 décembre 2025, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a acté une décision lourde de sens politique et social. Il a sollicité l’inscription, en priorité, en séance publique du Congrès, d’un projet de loi du pays visant à prolonger l’allocation exceptionnelle de maintien dans l’emploi.
Ce dispositif, appliqué du 1er juillet au 31 décembre 2025, a déjà fait ses preuves. Près de 600 demandes ont été déposées, permettant de soutenir des entreprises fragilisées tout en évitant des ruptures massives de contrats de travail. Une approche pragmatique, loin des discours compassionnels, centrée sur un objectif clair : préserver le travail plutôt que financer le chômage.
Un marché du travail calédonien profondément déstabilisé
Les chiffres publiés par l’ISEE-NC et l’IEOM dressent un constat sans appel. En 2024, le marché du travail calédonien a été brutalement désorganisé par une combinaison de facteurs économiques et institutionnels.
En moyenne, 82 000 personnes étaient salariées au dernier jour de chaque trimestre. Mais entre le 1er et le 4e trimestre, les effectifs ont chuté de 14,2 %, une baisse inédite hors période de confinement sanitaire. Sur l’ensemble de l’année, 108 000 personnes distinctes ont connu au moins une période de salariat, soit un recul de 6 % sur un an.
Fait majeur : ce niveau est inférieur à ceux de 2020 et 2021, pourtant marqués par la crise du Covid. En clair, l’économie calédonienne est aujourd’hui plus fragilisée qu’en pleine pandémie.
La crise du nickel et les exactions survenues à partir du 13 mai 2024 ont accentué ce déséquilibre. Si les dispositifs de chômage partiel ont permis de limiter les licenciements secs, les embauches ont été gelées, plongeant le marché dans une logique d’attentisme généralisé.
Résultat : 33 000 personnes ayant travaillé en 2024 terminent l’année sans emploi. Les plus touchés sont les jeunes, les salariés du privé, les hommes et les pluri-contrats, révélant une fracture sociale que les slogans ne suffisent plus à masquer.
Une allocation ciblée, encadrée et orientée vers l’efficacité
Contrairement aux aides aveugles, l’allocation exceptionnelle de maintien dans l’emploi repose sur des critères précis. Elle peut être sollicitée par deux catégories d’entreprises.
D’une part, celles ayant bénéficié d’un dispositif de chômage partiel, quel qu’il soit, entre le 1er mai et le 30 juin 2025.
D’autre part, celles confrontées à une réduction ou à une suspension temporaire d’activité, imputable à la conjoncture économique, à des difficultés d’approvisionnement, à des intempéries exceptionnelles, à un sinistre, ou encore à une transformation ou restructuration de l’entreprise.
Côté salariés, le dispositif est large mais cohérent. Tous les salariés, en CDD ou en CDI, à temps plein ou partiel, y compris en alternance, peuvent en bénéficier. Sont exclus uniquement les employés de maison et les salariés en congé maladie de plus de 30 jours, en congé maternité ou en congés annuels sur la période concernée.
L’allocation prend la forme d’une indemnité horaire, fixée à 100 % du salaire minimum garanti horaire, déduction faite de la contribution calédonienne de solidarité (1,3 %). Pour un temps complet, l’indemnisation est plafonnée à 125 heures par mois et à 1 500 heures par an. Au-delà, l’employeur assume la rémunération restante.
Pour les contrats à temps partiel, l’allocation est proratisée à 74 % du temps contractuel, le complément restant à la charge de l’employeur. Le dispositif ne se cumule avec aucune autre aide ayant le même objet, garantissant une utilisation rigoureuse des fonds publics.
Prolonger jusqu’en juillet 2026 : un choix de responsabilité économique
Face aux tendances économiques défavorables, une interruption du dispositif au 31 décembre 2025 ferait courir un risque majeur : des ruptures de contrats en chaîne, avec des conséquences sociales et économiques immédiates.
C’est pourquoi le gouvernement propose une prorogation jusqu’au 31 juillet 2026. L’objectif est double : consolider les effets positifs déjà observés et offrir aux entreprises une visibilité minimale pour traverser cette période de turbulences.
L’allocation est attribuée par arrêté du gouvernement pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois, dans la limite des crédits disponibles. Les demandes doivent être déposées auprès de la direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DTEFP), exclusivement en ligne, via la plateforme officielle du gouvernement.
Dans un contexte où l’économie réelle souffre, cette prolongation n’est ni un luxe ni une concession idéologique. C’est un choix de stabilité, un refus du laisser-faire et une affirmation claire : le travail doit rester au cœur de la reconstruction calédonienne.
















