La menace n’est plus théorique ni lointaine.
Elle est numérique, silencieuse et cible directement la démocratie française.
La France, cible privilégiée des ingérences étrangères à l’ère de l’IA
Le constat est sans détour : la France est le pays de l’Union européenne le plus exposé aux ingérences étrangères. Cette vulnérabilité n’est ni accidentelle ni fantasmée. Elle est clairement établie par le rapport d’information de l’Assemblée nationale remis le 3 décembre 2025 par les députés Alain David et Laëtitia Saint-Paul.
Puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, État doté, défenseur assumé d’un modèle démocratique et républicain, la France concentre mécaniquement les attaques informationnelles. À cela s’ajoute la présence sur le territoire national de nombreuses diasporas politisées, souvent ciblées par des puissances étrangères cherchant à peser sur le débat public français.
Le rapport souligne que l’intelligence artificielle change radicalement la nature de ces ingérences. Là où la propagande classique exigeait des moyens humains et financiers importants, l’IA permet désormais de produire massivement, rapidement et à très faible coût des contenus trompeurs, orientés ou mensongers, dans toutes les langues et à destination de publics ciblés.
Nous ne sommes plus face à une simple influence, mais à une guerre informationnelle assumée, intégrée à des stratégies de guerre hybride visant à affaiblir les démocraties occidentales de l’intérieur.
Désinformation industrielle et guerre cognitive : l’IA au cœur de l’offensive
Selon les auditions menées par les rapporteurs, l’intelligence artificielle est devenue un multiplicateur de puissance pour les États hostiles. Elle permet de générer des textes, images, vidéos et enregistrements audio quasi indétectables, notamment via les deepfakes et les contenus dits « soft fake ».
Ces productions ne cherchent pas toujours à convaincre, mais à détruire la notion même de vérité. Le rapport insiste sur ce point fondamental : l’objectif premier est de miner la confiance dans les médias, les institutions et la parole publique. Lorsque tout devient suspect, plus rien ne fait autorité.
Les campagnes russes documentées par Viginum Storm-1516, Portal Kombat, Matriochka illustrent cette stratégie de saturation informationnelle. Des millions de vues, des dizaines de milliers de publications, une coordination automatisée par l’IA et une capacité à recycler les narratifs jusqu’à leur intégration dans certains outils d’IA occidentaux eux-mêmes.
Cette logique de blanchiment informationnel est particulièrement préoccupante. Elle transforme l’IA à la fois en outil et en victime, par des attaques d’empoisonnement des données visant à faire reprendre des récits mensongers par des systèmes pourtant conçus pour informer.
Le rapport rappelle que les démocraties sont des proies idéales : sociétés ouvertes, liberté d’expression, pluralisme médiatique. Autant de forces qui deviennent des failles face à des régimes autoritaires assumant le mensonge comme instrument stratégique.
Réagir sans naïveté : souveraineté numérique ou effacement politique
Face à cette menace, le rapport parlementaire dénonce une forme de naïveté européenne, notamment en matière de souveraineté numérique.
L’Union européenne dépend massivement de technologies étrangères, en particulier américaines et chinoises, tout en imposant à ses propres acteurs un cadre réglementaire complexe et parfois paralysant.
La France, elle, dispose d’atouts mais souffre d’un déséquilibre des moyens. Les rapporteurs appellent à renforcer massivement Viginum, l’ANSSI et les dispositifs de contre-ingérence, tout en assumant une posture plus offensive dans la guerre des narratifs.
Parmi les propositions concrètes figurent :
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le renforcement des capacités de détection automatisée ;
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l’étiquetage obligatoire des contenus générés par l’IA ;
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la protection renforcée des périodes électorales ;
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la formation systématique à la vérification de l’information ;
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et le soutien à une information fiable, exigeante et assumée.
Le message est clair : la démocratie française ne survivra pas à l’ère de l’IA sans lucidité, fermeté et souveraineté. Refuser de voir la menace, c’est déjà la subir. Céder à l’idéologie du laisser-faire numérique, c’est accepter l’effacement politique.
Dans ce combat silencieux, la neutralité n’existe pas. Il y a ceux qui défendent la Nation, et ceux qui la laissent se dissoudre dans le brouillard informationnel.


















