Un élu indépendantiste rattrapé par la justice. Un procès reporté qui choque l’opinion et interroge sur l’exemplarité politique
Un procès attendu repoussé de sept mois
Ce vendredi 5 septembre 2025, le tribunal correctionnel de Nouméa devait juger Jean Creugnet, ancien 3e vice-président du Congrès. Mais en l’absence de Me Samuel Bernard, son avocat, et de Me Sophie Devrainne, l’avocate de la victime, l’audience a été renvoyée au 31 mars 2026. Les conseils ont invoqué la nécessité d’entretiens complémentaires et de documents communiqués tardivement. Une manœuvre procédurale qui fait grincer des dents, tant l’affaire est scrutée de près.
Les faits remontent au 1er septembre 2023 : lors d’un vol Nouméa-Singapour, l’élu aurait commis une tentative d’agression sexuelle sur une employée d’Aircalin. L’enquête de la Police nationale a conclu à un renvoi devant la justice.
Un scandale qui fragilise la mouvance indépendantiste
Cette affaire a marqué un tournant. Alors que Jean Creugnet se rendait à Paris pour des discussions sur l’avenir institutionnel, le scandale éclata et ternit l’image d’un camp indépendantiste déjà fragilisé. Quelques mois plus tôt, Daniel Goa, ex-président de l’UC, s’était lui-même illustré par une conduite en état d’ivresse et une agression verbale contre un gendarme.
Sous la pression, Jean Creugnet a démissionné de son poste de 3e vice-président du Congrès et perdu son rôle de secrétaire général de l’UPM. Mais il est resté élu à la Province Nord et membre du Congrès au sein du groupe UNI, bien que son siège boulevard Vauban reste désespérément vide depuis septembre 2023.
Une anomalie démocratique dénoncée
Plus surprenant encore : malgré son absence et le poids des accusations, l’élu du Nord continue de percevoir chaque mois environ 600 000 francs CFP d’émoluments d’élu de la Province Nord. Une situation qui choque, car dans toute démocratie mature, un élu poursuivi pour tentative d’agression sexuelle aurait dû démissionner d’office.
Autre détail révélateur : sur le site officiel de la Province Nord, le profil de Creugnet a été expurgé de sa photo, comme pour gommer sa présence encombrante. Mais sur le site du Congrès, il figure toujours avec son portrait officiel, symbole d’un système politique local où la responsabilité et l’exemplarité passent trop souvent au second plan.
En reportant une fois de plus ce procès, la justice prolonge une zone grise insupportable pour l’opinion publique. Entre le silence de Creugnet et les ambiguïtés de son camp politique, l’affaire révèle une fracture : celle d’une Nouvelle-Calédonie qui exige des élus irréprochables face à une classe politique qui se protège encore trop souvent elle-même.