Deux jours avant l’ouverture, les tensions s’invitent déjà au sommet du Pacifique. Un rendez-vous censé afficher l’unité régionale, mais qui démarre dans un climat électrique.
Un sommet sous haute tension à Honiara
Le 54ᵉ Forum des îles du Pacifique (PIF) débute ce lundi aux îles Salomon, dans une ambiance déjà marquée par les tensions géopolitiques. Le Premier ministre hôte, Jeremiah Manele, a décidé de bloquer l’accès à tous les partenaires extérieurs – Chine, États-Unis, France, Japon ou Royaume-Uni. Objectif affiché : offrir aux 18 États et territoires membres un espace de discussion exclusivement régional, dans le cadre de la réforme de la coopération.
Une décision qui irrite notamment la France, partenaire historique depuis 1989, dont la délégation a annulé ses vols. L’ambassadrice Véronique Roger-Lacan a prévenu : si certains pays parviennent malgré tout à participer en marge du sommet, Paris exigera des explications.
Les grands dossiers à l’ordre du jour
Lors du retrait des dirigeants à Munda, plusieurs sujets sensibles seront discutés :
Climat et montée des eaux, priorité absolue des micro-États ;
La question du déversement des eaux traitées de Fukushima ;
Le dossier de Nouvelle-Calédonie, suivi de près après les émeutes de mai 2024 et l’accord de Bougival ;
La situation en Papouasie occidentale ;
Les négociations du traité sur le thon avec Washington ;
Les projets de mobilité régionale, dont la déclaration sur le kava ;
Les candidatures pour accueillir des instances stratégiques, comme le bureau du Green Climate Fund à Suva ou l’édition 2027 du PIF en Nouvelle-Zélande.
Le Premier ministre Manele insiste : cette édition doit envoyer un signal fort. Thème choisi : “Iumi Tugeda: Act Now for an Integrated Blue Pacific Continent”.
Entre unité régionale et influences extérieures
Malgré les menaces de boycott, 17 des 18 leaders seront présents. Seule Samoa enverra une délégation de haut niveau en raison d’élections nationales. Les associés Guam et Samoa américaines participent pour la première fois, tandis que Tokelau se retire pour raisons internes.
Mais les coulisses restent le terrain des grandes puissances. Selon des experts, la Chine, les États-Unis, le Japon ou le Royaume-Uni profiteront de leur présence diplomatique à Honiara pour organiser des rencontres bilatérales discrètes. Une manière de contourner l’exclusion officielle.
Pour l’universitaire Sione Tekiteki, le danger est clair : « Le vrai drame, c’est que ces rivalités sont importées et éloignées de nos priorités réelles ». Une analyse qui rejoint la mise en garde de la Première ministre samoane Fiame Mata’afa : « Chaque homme et son chien veulent une place dans le Pacifique ».
Manele, lui, rejette toute pression extérieure, notamment chinoise : « Les îles Salomon sont un État souverain. Les décisions sont prises collectivement par les membres du Forum, dans le respect du Pacific Way ».