Depuis plus d’un an, le tourisme calédonien vit une lente descente aux enfers. L’île la plus proche du paradis s’est couverte de cendres, de peur et de chaos. Mais voici que le Caillou tente de renaître, de redresser la tête, comme Sisyphe poussant à nouveau son rocher vers la lumière.
M6 en mission : reconquérir le regard français sur le Caillou
C’est un pari audacieux que Nouvelle-Calédonie Tourisme (NCT) vient de lancer : faire revenir le rêve là où la peur s’était installée. À l’invitation de NCT, en partenariat avec Aircalin et Atout France, le groupe M6 tourne actuellement une série de clips destinés à promouvoir la destination. Une vaste opération de communication nationale, à des heures de grande audience.
Objectif : séduire 5,7 millions de téléspectateurs, soit autant de potentiels futurs voyageurs. Après le succès d’une campagne en Australie cet été, la France reprend la main avec un objectif clair : faire du Caillou la vitrine francophone du Pacifique. Le message est clair : la Nouvelle-Calédonie n’est pas une terre perdue, mais un pays qui lutte pour redonner du souffle à son économie, avec fierté et persévérance.
Du Cœur de Voh à Hienghène : la carte postale reprend des couleurs
Sous la houlette du producteur Julien Kérihuel et de la présentatrice Stéphanie Valton, l’équipe de tournage parcourt le territoire depuis le 3 octobre. Au programme : la piscine naturelle de l’île des Pins, les falaises de Hienghène, le cœur de Voh vu du ciel, les tribus de Ponérihouen et La Foa. Une Nouvelle-Calédonie belle, simple, fière — celle que l’on n’a pas vue depuis trop longtemps.
L’émission La Minute Voyage diffusera une dizaine de séquences du 1er au 14 décembre, plusieurs fois par semaine, parfois par jour. Les images, pleines de lumière et d’émotion, visent à raviver le mythe d’un paradis accessible, d’un archipel à la fois lointain et familier.
Mais derrière les lagons turquoise, la fragilité reste palpable : les plaies du 13 mai 2024 ne sont pas refermées. En juillet, la fréquentation touristique a frôlé les 6 000 visiteurs, soit à peine la moitié des flux enregistrés un an plus tôt. Le symbole est fort, mais la route est longue.
Pourtant, les Calédoniens s’accrochent à cette idée simple : tant que le rocher roule, il faut continuer à le pousser. Le mythe de Sisyphe n’est plus une métaphore lointaine — il est devenu la condition même de la survie économique du pays.
Le pari de la résilience : entre sécurité et image
Reste une vérité brutale : sans sécurité, il n’y aura pas de renaissance touristique. On ne reconquiert pas la confiance à coups de slogans. Le visiteur métropolitain doit être rassuré, le territoire apaisé, les institutions solides. Tant que l’instabilité plane, chaque effort de promotion risque de s’écraser sur la pente de la réalité.
Et pourtant, l’opération M6 marque un tournant. Elle prouve que la Nouvelle-Calédonie n’a pas renoncé à se battre pour son image. Ce partenariat avec de grands acteurs français est plus qu’un simple coup médiatique : c’est un acte de résistance culturelle et économique.
Car relancer le tourisme ici, c’est croire encore en la beauté du pays malgré la douleur. C’est refuser de s’enfermer dans la victimisation, préférer l’action à la plainte, le travail au renoncement. Comme Sisyphe, le peuple calédonien trouve son sens non pas dans la victoire, mais dans l’effort continu.
Alors, si les vagues de décembre ramènent les images du lagon sur les écrans français, peut-être que le miracle reprendra forme. Et que, de ce combat incessant contre la fatalité, renaîtra enfin ce qu’on appelait jadis « l’île la plus proche du paradis ».