Il s’appelle Antoine. Il a 10 ans. Et il vient de bouleverser la Nouvelle-Calédonie, et bien au-delà, avec une simple vidéo tournée sans artifice, postée sur les réseaux sociaux. En moins de deux minutes, l’enfant met des mots d’une désarmante sincérité sur une réalité que même les adultes peinent à expliquer : celle d’une génération née ici, mais condamnée au silence politique.
« Je suis né ici, mais je n’aurai jamais le droit de voter »
Dans la vidéo, Antoine parle avec son accent du pays, celui qu’on entend dans les cours d’école ou sur les plages du lagon. « Je m’appelle Antoine, j’ai 10 ans et je viens de Nouvelle-Calédonie », commence-t-il calmement.
Puis la phrase tombe, simple et terrible :
Mon papa et ma maman vivent ici depuis presque 30 ans, mais ils n’ont pas le droit de voter. Et du coup, moi non plus. Je n’aurai jamais le droit, même si je suis né ici.
Ces mots, dits sans colère, ont la force d’un cri d’injustice. Ils résonnent particulièrement à la veille du vote à l’Assemblée nationale sur le report des élections provinciales, prévu pour déterminer l’avenir institutionnel du territoire. Un avenir dont Antoine est, malgré lui, déjà exclu.
La peur des émeutes et le rêve d’une paix simple
L’enfant évoque aussi les heures sombres de mai dernier.
L’année dernière, il y a eu des émeutes, c’était horrible. On ne pouvait plus sortir, ni aller faire les courses. Même ma maman avait peur,
raconte-t-il.
Sa voix tremble un peu, mais reste claire :
Moi, je voulais juste retourner à l’école, jouer avec mes amis. Que tout redevienne normal.
Ce mot « normal » prend ici tout son sens. Il résume ce que les discours politiques, les réunions coutumières ou les hémicycles peinent à dire : le besoin vital de paix, de stabilité, de futur.
Une leçon d’humanité adressée aux députés
La conclusion d’Antoine tient en une supplique :
S’il vous plaît, quand vous voterez, pensez à nous les enfants de Calédonie. Pensez à moi. J’aimerais juste qu’un jour, moi aussi, je puisse voter. Parce que je suis né ici. Parce que c’est ma maison. Parce que j’aime la Nouvelle-Calédonie.
Dans un pays fracturé par les identités et les rancunes, cette vidéo rappelle qu’il existe encore un langage universel : celui de l’enfance. Celui qui ne revendique rien, mais qui espère tout.
Antoine ne parle pas de politique. Il parle d’appartenance, de peur et d’amour. Et dans ce silence ému qu’il laisse après ses derniers mots, il dit peut-être ce que beaucoup, aujourd’hui, n’osent plus dire : que la Calédonie mérite mieux que ses querelles. Qu’elle mérite simplement qu’on pense à ses enfants.