Deux France se font face : celle qui veut gouverner, et celle qui préfère bloquer.
Et mercredi, c’est la France des postures qui a crié victoire dans l’hémicycle.
Les socialistes jubilent, LFI fulmine et l’exécutif encaisse
N’en déplaise à LFI, qui dénonce encore une « mascarade », une majorité de circonstance a offert au Parti socialiste une victoire symbolique : l’adoption de l’article 45 bis du PLFSS suspendant jusqu’à fin 2027 la réforme des retraites de 2023. Une suspension provisoire, fragile, mais politiquement lourde.
Dans l’hémicycle, les voix socialistes, écologistes, celles de quelques dissidents et du Rassemblement national ont convergé pour provoquer un camouflet au gouvernement.
La scène a offert un moment rare : Marine Le Pen, inflexible, dénonçant « l’opportunisme » des autres groupes, assurant que son camp voterait « la tête haute ». De son côté, Gabriel Attal a joué la ligne médiane, reconnaissant que ce gel n’était « pas une bonne nouvelle pour l’économie », tout en refusant de s’opposer frontalement au compromis passé entre Matignon et le PS.
Car cette suspension est avant tout une concession majeure, destinée à éviter la censure et maintenir debout un exécutif fragilisé par des mois de tensions.
Qui pourra partir plus tôt ? Le détail des âges et trimestres pour chaque génération
Derrière l’affrontement politique, un fait demeure : ce report modifie concrètement l’âge de départ de plusieurs générations, de 1964 à 1968, et potentiellement jusqu’à 1969 si le décalage est confirmé jusqu’en 2028.
Pour les personnes nées en 1964, l’âge légal passerait à 62 ans et 9 mois, au lieu des 63 ans prévus par la réforme Borne. Le nombre de trimestres serait abaissé à 171 au lieu de 172.
Pour la génération 1965, l’âge serait fixé à 63 ans, là où la réforme imposait 63 ans et 3 mois, avec également 171 trimestres pour le taux plein.
Pour celles nées en 1966, la barre serait 63 ans et 3 mois, sans changement sur les trimestres : 172.
Pour les actifs nés en 1967, l’âge serait 63 ans et 6 mois, toujours avec 172 trimestres.
Les 1968 conserveraient le bénéfice d’un départ à 63 ans et 9 mois, au lieu des 64 ans prévus initialement, avec 172 trimestres.
Et si la réforme est finalement reportée à 2028, la génération 1969 deviendra la première contrainte de partir à 64 ans.
Ce sont des ajustements techniques, mais ils traduisent une réalité simple : la France navigue à vue, ballotée entre concessions politiques et impératifs budgétaires.
Carrières longues, professions « actives » : les derniers amendements qui font grimper la facture
Le gouvernement a ajouté un amendement de dernière minute intégrant les carrières longues, les agents des catégories actives et superactives de la fonction publique pompiers, aides-soignantes, forces d’intervention ainsi que les personnes nées au premier trimestre 1965.
Un geste exigé par les socialistes en échange de leur soutien tactique.
Conséquence directe : un coût qui bondit à 300 millions d’euros (36 milliards de francs CFP) en 2026 et 1,9 milliard (228 milliards de francs CFP) en 2027.
Une addition salée et assumée par un exécutif qui cherche avant tout à conserver sa majorité relative.
Mais rien n’est joué. Le texte doit filer vers le Sénat, où Gérard Larcher, fidèle à la ligne d’une droite attachée à la responsabilité budgétaire, a déjà prévenu : « Nous rétablirons la réforme ».
Le clash institutionnel n’est plus un risque, c’est une certitude.
Derrière les chiffres, les articles et les amendements, une image s’impose : un pays qui débat mais n’avance plus, une majorité coincée entre les exigences de la gauche socialiste et les critiques d’une droite électoralement renforcée mais empêchée de gouverner.
Ce vote n’est pas une victoire sociale, encore moins un tournant historique.
C’est un épisode de plus dans une bataille politique où chacun cherche à sauver sa cohérence :
– le PS veut prouver qu’il existe encore ;
– LFI veut maintenir le chaos permanent ;
– le RN veut s’affirmer comme le seul bloc cohérent ;
– l’exécutif veut simplement survivre jusqu’à 2027.
Cette suspension ne résout rien.
Elle ne fait que repousser l’inévitable : la France devra réformer ses retraites, tôt ou tard, et il faudra alors du courage politique.
Le vrai, pas celui des motions ou des coups d’éclat médiatiques.















