La visite ministérielle s’est déroulée dans un climat lourd : économie fragilisée, débat institutionnel crispé, insécurité persistante. Loin des effets d’annonce, la ligne affichée est double et assumée : rétablir l’autorité sans ambiguïté, puis engager une relance économique pilotée, progressive et structurée. En filigrane, la même exigence : avancer, même si tout le monde ne veut pas monter dans le train.
Sécurité : tolérance zéro et présence d’État prolongée
Priorité opérationnelle : la sécurité des Calédoniens. Le maintien de 20 escadrons de gendarmerie mobile (sur 120 au plan national) et d’environ 2 500 policiers et gendarmes est assumé, pour « le temps qu’il faudra ». L’objectif est clair : prévenir tout retour aux violences, garantir les circulations, protéger les sites sensibles.
Dans le même mouvement, l’État réexamine les aménagements structurants réclamés de longue date au sud de l’agglomération, avec l’idée d’un tracé de contournement afin de sécuriser durablement Saint-Louis. Rien de spectaculaire à court terme : le dossier est « lourd », mais il avance dans le cadre de la mission interministérielle.
L’équation est politique autant que technique : sans paix publique, pas de reprise. La ligne est donc assumée : fermeté des forces, appui logistique, continuité de l’État.
Relance économique : désendettement, réformes et calendrier soutenu
La photographie macroéconomique est sans fard : indicateurs défavorables, trésoreries tendues, investissements suspendus. La réponse est pensée en deux temps.
D’abord, des mesures de court terme via le projet de loi de finances, pour éviter les ruptures. Ensuite, un plan de relance pluriannuel piloté par l’État, avec la Mission interministérielle conduite par Claire Durrieu : projets d’infrastructures, cadre fiscal, trajectoires sectorielles et accompagnement sur mesure selon les réalités provinciales.
Sur la dette : pas de magie comptable. Transformer les PGE en subventions ne résout pas une crise structurelle. La trajectoire est donc celle du désendettement, appuyée par des réformes locales, avec soutien technique et financier de l’État au fil de l’eau.
Côté défiscalisation, signal stabilisateur : pas de coup de rabot immédiat. En contrepartie, révision outillée l’an prochain pour corriger les failles et mieux cibler l’emploi et les secteurs prioritaires.
Nickel : sortir de l’économie sous perfusion
La filière, cœur stratégique du territoire, ne peut plus vivre sous transferts permanents. L’État a déjà mobilisé plus de 700 M€ en deux ans et anticipe encore 400–450 M€ l’an prochain si rien ne change. Le diagnostic est arrêté : il faut une stratégie globale, au-delà de Bougival, avec tous les acteurs à la table (industriels, provinces, État, partenaires sociaux).
L’ambition annoncée : redéfinir le modèle productif (coûts, énergie, montées en gamme, débouchés européens), sécuriser le financement transitoire sans enfermer la filière dans l’assistanat, et aligner la gouvernance sur des objectifs mesurables de compétitivité. C’est la condition pour préserver l’emploi local et la place calédonienne dans les chaînes européennes des métaux critiques.
Institutions : le consensus comme méthode, l’immobilisme comme ligne rouge
Sur l’accord de Bougival, la cartographie politique est nette : cinq formations sur six confirment leur attachement au texte, quand le FLNKS s’en tient, à ce stade, à une trajectoire d’indépendance en dehors du compromis. La porte reste ouverte. Mais le statu quo n’est plus une option : la ministre assume la poursuite du processus avec celles et ceux qui souhaitent avancer, tout en laissant un siège libre pour un retour ultérieur de l’absent.
Le calendrier n’est pas fétichisé : plénières, bilatérales, et scénarios législatifs (constitutionnel, organique) sont travaillés en parallèle pour faire émerger le plus grand dénominateur commun. La clé n’est pas la vitesse, mais la tenue du cap : l’institutionnel n’a de sens qu’adossé à des bénéfices concrets pour l’économie et le social.
Méthode : écoute, cap, exécution
La visite a été menée sans triomphalisme. Écoute bilatérale, débat franc, fiches de travail, retours d’expérience des provinces : l’approche est technique et politique à la fois. L’angle est constant : lier sécurité, institutions et économie, et ne pas diluer l’un dans l’autre.
Ce réalisme s’accompagne d’un optimisme lucide : malgré la défiance post-référendums et le traumatisme des émeutes, le pays reste résilient, demande la paix et des perspectives. La réponse proposée est lisible : autorité pour protéger, réformes pour tenir, investissements pour repartir.
Tenir la barre, ouvrir la voie
La feuille de route assume un triptyque simple : sécuriser, réformer, investir. Elle refuse l’alternative stérile entre blocage institutionnel et fuite en avant budgétaire. Le message est clair : la porte reste ouverte, mais le pays avance. Aux acteurs de saisir la main tendue et de transformer ce cap en chantiers visibles. La stabilité n’est pas une option : c’est la condition de la reprise.















