Deux chiffres claquent comme un électrochoc : une jeunesse qui doute, mais qui résiste.
Et une province Sud décidée à remettre de l’ordre là où trop de signaux faibles s’accumulent.
Un portrait sans filtre d’une jeunesse qui cherche des repères
Ce jeudi 20 novembre, la province Sud a dévoilé les résultats de la deuxième édition de l’enquête « Bien dans mes claquettes », menée au premier semestre 2025 auprès de 2 745 élèves de troisième. Un travail massif, piloté avec l’ASSNC, le vice-rectorat et la DDEC, pour prendre le pouls d’une jeunesse trop souvent transformée en slogan ou instrumentalisée dans le débat politique. Ici, rien de tel : des faits, des chiffres, des réalités brutes.
Premier constat : la jeunesse calédonienne n’est pas “cassée”, mais inquiète, et parfois profondément seule. Près de 2 élèves sur 3 (63 %) angoissent pour leur avenir. La moitié dit avoir du mal à gérer sa colère. Et un chiffre glace : 30 % déclarent avoir parfois envie de se faire du mal. Un indicateur clé, qui confirme ce que les enseignants, éducateurs et familles observent depuis les émeutes de 2024 : une tension intérieure massive, un monde instable, une pression sociale qui monte.
Pourtant, la jeunesse calédonienne garde des forces indéniables : 45 % ont une bonne estime d’eux-mêmes et 67 % se déclarent globalement satisfaits. Cette dualité dit tout : des jeunes lucides, courageux, mais saturés par les fractures du territoire.
Le décalage garçons–filles se confirme : les filles sont plus nombreuses à se dévaloriser, à se sentir en insécurité ou à subir des violences un signal fort qui appelle une politique familiale et scolaire encore plus offensive.
L’autre bombe statistique tient à la solitude affective : 71 % des adolescents se débrouillent seuls face à leurs émotions, souvent sans adulte à qui parler. Un terreau idéal pour l’angoisse, l’addiction ou l’errance numérique.
Addictions, violence, sécurité : une jeunesse moins dangereuse qu’on le dit
Contrairement aux discours victimaires ou sensationnalistes, les données racontent autre chose : les jeunes calédoniens deviennent moins violents, moins délinquants et consomment moins de substances.
En trois ans, c’est une tendance lourde et incontestable :
Tabac : 21 % au cours des 30 derniers jours (en baisse)
Alcool : 24 % (en baisse)
Cannabis : 10 % (en baisse nette)
Vapoteuse : 51 %, encore très élevé mais en recul
Violence subie : 50 %, mais en diminution
Violence commise : 43 %, également en recul
Délinquance : 36 %, une chute significative depuis 2022
La réalité, chiffres à l’appui, est donc claire : oui, il existe un problème de violences et de comportements à risque, mais il se réduit. Ce qui progresse, en revanche, c’est l’influence du groupe : 15 % adoptent des comportements violents par peur de l’exclusion. Le mimétisme est devenu plus puissant que la délinquance “volontaire”.
Autour de l’école, la situation reste contrastée : 70 % se sentent en sécurité dans leur collège, mais seulement 50 % autour de l’établissement surtout les filles. Ce fossé interroge sur l’ordre public et les zones grises qui persistent dans certains quartiers.
Côté addictions, un élément surprend et dérange : les consommations sont massivement associées à la solitude, au stress ou à la tristesse. Les jeunes fument moins pour “faire comme les autres” et davantage pour calmer ce qui fait mal. Un basculement inquiétant, moins bruyant mais plus profond.
Un autre phénomène monte : le contrôle parental, de plus en plus strict. 30 % des adolescents voient leur activité en ligne surveillée un bond significatif depuis 2022. Dans un territoire marqué par la cyberviolence, cette vigilance accrue va dans le sens du bon sens et de la responsabilité.
Familles, école, loisirs : des piliers solides mais sous tension
Sur le plan familial, l’enquête démonte un autre mythe : la famille calédonienne reste globalement solide.
92 % des jeunes se sentent en sécurité chez eux
68 % passent du temps avec leurs parents
79 % jugent leurs parents financièrement à l’aise
72 % aimeraient en passer encore plus signe d’un lien fort, pas d’un éclatement
En revanche, un jeune sur cinq n’a pas de règles parentales. Et 30 % sortent après 22 h au moins une fois par semaine un facteur statistiquement associé à une plus forte consommation d’alcool et de cannabis.
Côté scolaire, les voyants sont plus encourageants :
51 % se considèrent bons ou très bons élèves
Le décrochage chute à 3 %
L’assiduité bondit de 14 points
Le sommeil s’améliore nettement
Mais un problème majeur ressort : 48 % des élèves ne prennent pas de petit-déjeuner, surtout les filles. Un facteur direct de fatigue, d’absentéisme et d’irritabilité et un angle mort des politiques publiques.
Reste la pratique sportive : une dégringolade.
61 % seulement pratiquent du sport régulièrement (contre 73 % en 2022)
Mais l’activité encadrée dépasse désormais les 36 %, contre 17 % il y a trois ans
Autrement dit : les jeunes ne sont pas “désengagés”, ils cherchent un cadre adulte clair.
Enfin, les envies sportives confirment une réalité culturelle forte :
56 % veulent faire un sport collectif
30 % un sport de combat
22 % de la musculation
Une jeunesse qui veut se dépasser, pas s’éteindre derrière un écran.
Dernier frein massif : le transport.
43 % des jeunes participeraient davantage aux activités si les déplacements étaient pris en charge. Un enjeu logistique, mais aussi social : dans un territoire où les distances coûtent cher, l’accès au sport dépend du porte-monnaie.
« Bien dans mes claquettes » 2025 n’est pas une enquête de plus : c’est un miroir, parfois dur, mais profondément utile.
On y voit une jeunesse courageuse, attachée à son territoire, moins violente, moins délinquante, moins consommatrice de produits. Une jeunesse qui tient debout mais qui a besoin qu’on tienne avec elle.
On y voit aussi un besoin immense de repères, de règles, de cadres stables, de présence adulte. Pas de démagogie, pas d’excuses sociologiques : de la responsabilité, de la cohérence et du soutien.
Le rôle de la puissance publique devient alors clair : renforcer ce qui protège, corriger ce qui isole et restaurer ce qui fragilise famille, école, sport, transport, sécurité.
Parce qu’une jeunesse qui doute, ce n’est pas une fatalité.
Une jeunesse qui doute mais qui avance, c’est une chance.
Et en province Sud, c’est exactement ce qui ressort, chiffres à l’appui.
(Crédit photo : province Sud)




















