Devant la montée des violences, la circulation d’armes blanches et les trafics de stupéfiants, l’État renforce sa présence sur le territoire. Un seul fil conducteur : protéger les Calédoniens, dans la rue comme au sein des familles.
Violences intrafamiliales : un fléau massif, bien au-delà de la moyenne nationale
Le constat est brutal : en Nouvelle-Calédonie, les violences intrafamiliales restent à un niveau alarmant. Au 23 novembre, 2 500 faits ont été enregistrés depuis le début de l’année, en très grande majorité des violences conjugales visant des femmes. Rapporté à la population, cela représente 9 faits pour 1 000 habitants, soit environ trois fois plus que la moyenne hexagonale, située autour de 2,5 à 3.
Les indicateurs confirment une réalité lourde : une femme sur quatre déclare avoir déjà subi des violences, et une femme sur huit dit avoir été victime d’agression sexuelle avant 15 ans. En 2019, 1 500 faits étaient recensés ; la hausse de 1 000 signalements interroge. Elle peut traduire à la fois une aggravation des violences et une meilleure libération de la parole, grâce aux dispositifs mis en place depuis le Grenelle de 2019.
L’État, la justice et le gouvernement calédonien affirment une priorité commune : sécuriser les victimes de la plainte jusqu’à la reconstruction, avec des places d’hébergement supplémentaires financées dans les trois provinces, des intervenantes sociales dans les commissariats et brigades, et une formation renforcée des forces de l’ordre à l’accueil des victimes.
Prévention, prise en charge des auteurs : une approche globale de la violence
Au-delà de la réponse pénale, l’action de l’État s’organise aussi autour de la prévention et de la prise en charge des auteurs. Des dispositifs culturels, comme la pièce « Boys and Girls – L’Eau salée » jouée à Boulouparis, sont utilisés pour sensibiliser le public, notamment les jeunes, aux violences faites aux femmes.
Les gendarmes et policiers multiplient les interventions dans les établissements scolaires sur les thèmes du harcèlement, des violences et du respect. À chaque passage en classe, des mineurs se confient sur ce qu’ils vivent ou observent au sein de leur famille. Parallèlement, un centre d’accueil pour auteurs de violences conjugales, financé par l’État, propose des stages et un accompagnement dans l’objectif de limiter la récidive et de transformer les comportements.
Cette approche par « briques » associe répression, protection des victimes, prévention auprès des jeunes et travail de fond sur les auteurs, avec un objectif assumé : réduire le terreau de la délinquance et des violences futures.
Armes blanches : un décret national désormais appliqué au territoire
Dans ce contexte de montée des violences, un décret national sur les armes blanches s’applique désormais en Nouvelle-Calédonie. Il poursuit deux objectifs principaux : interdire les armes les plus dangereuses et encadrer strictement la vente d’armes blanches, notamment aux mineurs.
Certaines armes sont désormais totalement proscrites : les couteaux dits « zombies », caractérisés par plusieurs pointes, plusieurs tranchants et des perforations dans la lame, ainsi que les poings américains récents, parfois couplés à des bombes lacrymogènes. Leur détention sur la voie publique, leur transport et leur vente sont interdits. Un délai est accordé jusqu’en décembre pour permettre aux détenteurs d’en remettre aux forces de l’ordre en vue de leur destruction.
Les armureries ont déjà été contactées ; très peu de stocks sont encore en circulation. Pour les commerces qui vendent des armes blanches sans être armuriers, une distinction est faite entre les couteaux utilitaires (camping, pêche, cuisine), vendus librement, et les armes de catégorie D (couteaux papillons, étoiles de lancer, couteaux automatiques, crans d’arrêt). Les vendeurs de ces armes de défense ont jusqu’en mars pour se déclarer auprès du haut-commissariat et entrer dans un registre de référence. L’interdiction de vente aux mineurs s’applique à tous et doit être clairement affichée.
Écoles, rixes, sécurité du quotidien : une présence renforcée sur le terrain
Le décret sur les armes blanches s’inscrit aussi dans un contexte national de rixes et d’attaques à l’arme blanche, y compris à proximité des établissements scolaires. En Nouvelle-Calédonie, les autorités constatent moins de phénomènes de groupes armés de couteaux autour des écoles que dans certains territoires hexagonaux, mais la vigilance reste élevées.
Depuis la rentrée 2025, deux à trois opérations de contrôle par semaine sont menées aux abords des établissements, en coordination avec le vice-rectorat, les chefs d’établissement, les provinces et le parquet. Sous réquisition, les forces de l’ordre peuvent vérifier les sacs. Ces contrôles ont permis de découvrir très peu d’armes blanches, essentiellement des couteaux utilitaires.
Si les rixes existent, notamment relayées sur les réseaux sociaux, les efforts se concentrent désormais aussi sur les atteintes aux biens : cambriolages, dégradations, destructions autour des établissements. À Portes-de-Fer, par exemple, un travail régulier associe chef d’établissement, police, ville de Nouméa, province et bailleurs sociaux, afin de traiter les troubles générés par des groupes de jeunes dans le voisinage de l’école et de sécuriser tout l’environnement scolaire.
Stupéfiants et nakamals : contrôles ciblés et fermetures administratives
Parallèlement aux armes, la lutte contre les stupéfiants est présentée comme une priorité nationale et locale. Si la Nouvelle-Calédonie ne connaît pas, à ce stade, l’ampleur de la criminalité organisée de certaines grandes villes de métropole, les autorités renforcent les contrôles.
La fermeture administrative pendant deux mois d’un nakamal à Ducos illustre cette stratégie. Dès lors que des trafics de drogue sont constatés de manière régulière dans ou aux abords d’un établissement, et qu’ils sont liés à son activité commerciale, le haut-commissariat peut prononcer une fermeture. D’autres procédures seraient en cours.
Les découvertes de ballots de stupéfiants échoués à Maré ou à l’Île des Pins rappellent, elles, la dangerosité de ces produits. Les habitants sont appelés à remettre immédiatement ces substances aux forces de l’ordre, comme cela a été fait à Maré. Ces saisies donnent lieu à des enquêtes judiciaires pilotées par le parquet.
Fêtes de fin d’année et « Tranquillité vacances » : anticiper les risques
À l’approche des examens, des vacances scolaires et des fêtes de fin d’année, la question de la sécurité du quotidien revient au premier plan. Cette période concentre déplacements, soirées, consommation d’alcool et temps libre pour les jeunes, autant de facteurs qui peuvent nourrir incivilités, violences ou cambriolages.
Les autorités préparent cette séquence avec les acteurs de l’éducation, le gouvernement et les provinces : coordination autour des examens, présence accrue sur le terrain, adaptation des dispositifs de contrôle. Le programme « Tranquillité vacances » est rappelé au grand public : tout particulier qui quitte son domicile plusieurs jours peut signaler son adresse au commissariat ou à la brigade de gendarmerie pour bénéficier de patrouilles de surveillance à proximité de son habitation. Le dispositif est gratuit, valable toute l’année, et repose sur le volontariat.
Dans le même temps, la police et la gendarmerie poursuivent des opérations régulières sur l’ensemble du territoire. Les autorités revendiquent des résultats significatifs en matière de saisies de stupéfiants, tout en soulignant que la présence sur le terrain restera un axe central pour les mois à venir.
Entre violences intrafamiliales, circulation d’armes blanches, trafics de drogue et tensions autour des établissements scolaires, la Nouvelle-Calédonie affronte un faisceau de défis sécuritaires. L’État mise sur une stratégie combinant fermeté, prévention et accompagnement, en multipliant les contrôles, en encadrant les armes blanches, en soutenant les victimes et en travaillant avec les auteurs. Reste une question clé : cette mobilisation permettra-t-elle de faire reculer durablement la violence et de restaurer un sentiment de sécurité partagé sur l’ensemble du territoire ?


















