Ils sont partout : dans nos poches, sur nos bureaux, dans nos voitures.
Et pourtant, nous continuons de les considérer comme de simples gadgets alors qu’ils sont devenus l’un des terrains de guerre invisibles les plus agressifs du XXIᵉ siècle.
LES SMARTPHONES, NOUVEAU CHAMP DE BATAILLE DES PUISSANCES ÉTRANGÈRES
Depuis 2015, l’ANSSI le martèle : le téléphone portable est devenu une surface d’attaque critique, exploitée par des États hostiles, des entreprises privées agissant pour leur compte et une galaxie de cybercriminels opportunistes. Le rapport du 26 novembre 2025 dresse une réalité implacable : le smartphone n’est plus un objet du quotidien, c’est un capteur de données personnelles, une clé d’accès à la vie privée, un levier d’espionnage politique, économique et industriel.
Le constat est d’autant plus clair que les failles existent à tous les niveaux. Les réseaux 2G, Wi-Fi publics, Bluetooth, NFC : autant de portes ouvertes que les attaquants exploitent. Pire encore, les applications de messagerie celles que tout le monde utilise sont devenues les vecteurs privilégiés des attaques « zéro-clic ». Une simple réception de message peut suffire à infiltrer un appareil.
Ce que révèle l’ANSSI n’a rien d’un film d’espionnage. C’est un terrain où la naïveté n’a pas sa place et où la France doit assumer pleinement sa souveraineté numérique face à des puissances Chine, Russie, Iran qui font de l’intrusion digitale un instrument politique assumé.
DES TECHNIQUES D’INTRUSION D’UNE SOPHISTICATION INÉDITE
Les attaquants ne se contentent plus d’envoyer des liens douteux. Ils perfectionnent leurs méthodes, et certaines sont d’une efficacité glaçante.
D’abord, les attaques « zéro-clic », véritables armes cyber : aucune action de l’utilisateur, aucune alerte, aucune trace, simplement une chaîne d’exploitation millimétrée profitant de vulnérabilités inconnues. Des logiciels comme Pegasus, Predator ou Triangulation les exploitent avec une précision chirurgicale. Une notification invisible, un message silencieux et l’appareil est compromis.
Ensuite, l’ingénierie sociale. L’ANSSI rappelle que des campagnes sophistiquées utilisent WhatsApp, Signal, Facebook ou LinkedIn pour piéger des responsables politiques, des militaires, des chefs d’entreprise. Les faux profils sont légion. Les cybercriminels mais aussi des sociétés de surveillance privées misent sur la distraction, l’urgence, la flatterie, l’autorité.
Enfin, l’accès physique. Dans certains pays, des polices locales installent directement des logiciels espions lors de contrôles, d’arrestations ou de passages à la frontière. L’ANSSI documente ces pratiques en Chine, en Iran, en Russie. Ce n’est pas de la théorie : c’est une stratégie assumée de contrôle numérique.
À cela s’ajoute une menace que beaucoup ignorent : le SIM-swapping, qui permet à un attaquant d’usurper une identité et de détourner les codes d’authentification. En quelques minutes, il peut prendre le contrôle des comptes bancaires, administratifs ou professionnels.
Tout ceci démontre une chose : laisser son téléphone vulnérable, c’est offrir une fenêtre ouverte à ceux qui veulent affaiblir la France, ses institutions, ses entreprises et ses citoyens.
LA FRANCE FACE À LA GUERRE NUMÉRIQUE : UN IMPÉRATIF DE SOUVERAINETÉ
Le rapport met en lumière un enjeu majeur : le marché mondial de la surveillance privée explose, alimenté par des États qui externalisent l’espionnage pour brouiller les pistes. NSO Group, Intellexa, Paragon : ces entreprises vendent des outils capables de contourner les protections les plus robustes, permettant à des régimes autoritaires d’espionner opposants, diplomates et journalistes. Et les fuites de leurs technologies comme celles de Hacking Team démontrent que ces outils finissent tôt ou tard entre de mauvaises mains.
La France, avec le Processus de Pall Mall, pousse à un encadrement international de ces capacités offensives. C’est un combat essentiel : réduire la dissémination des outils de surveillance, responsabiliser les États, renforcer les garde-fous. Mais ce combat n’aura de sens que si la France maintient une cybersécurité offensive et défensive de niveau mondial, capable de faire face à la menace.
Car l’ANSSI l’affirme : des personnalités françaises élus, hauts fonctionnaires, cadres de secteurs stratégiques ont été ciblées. Souvent via leurs téléphones personnels, là où la vigilance est moindre. Les périodes géopolitiques sensibles, comme des sommets internationaux, amplifient ce risque.
Les cybercriminels, quant à eux, poursuivent leurs objectifs habituels : voler des identifiants, détourner des paiements, usurper des comptes, mener des campagnes d’hameçonnage massives. Mais leurs outils deviennent de plus en plus puissants, parfois issus du monde de l’espionnage étatique.
Une vérité s’impose : la France ne doit plus traiter la cybersécurité comme un sujet secondaire. Elle doit la considérer comme un pilier de sa souveraineté.
Le rapport de l’ANSSI est un avertissement clair : le smartphone, symbole de modernité et de liberté individuelle, est devenu le champ privilégié de confrontation entre États, groupes privés et cybercriminels.
Face à cela, la France doit tenir une ligne droite : fermeté, souveraineté, exigence technologique, vigilance citoyenne.
Car dans cette guerre silencieuse, seul celui qui se protège survit.


















