La perte du groupe Calédonie ensemble au Congrès confirme l’effondrement d’un mouvement déjà déserté par les électeurs depuis des années.
L’aboutissement d’un déclin entamé en 2019 : un parti qui n’a jamais digéré sa défaite
La perte du groupe Calédonie ensemble au Congrès de la Nouvelle-Calédonie n’a rien d’un accident soudain. Elle incarne l’extinction programmée d’un mouvement qui, depuis 2019, n’a jamais accepté sa place réelle dans le paysage politique. L’épisode fondateur de ce déclin remonte précisément à cette année-là : incapable d’admettre sa défaite lors des provinciales, CE avait alors fait un choix politique lourd de conséquences. Pour empêcher l’élection de la présidente de Province Sud issue du camp loyaliste, le parti s’était engagé dans un pacte tactique avec le FLNKS.
Ce moment a marqué une rupture profonde avec une partie de son électorat. Une fracture de confiance dont Calédonie ensemble ne se relèvera jamais vraiment. Ce choix stratégique, motivé par la volonté d’éviter l’humiliation politique, a durablement installé l’idée que CE n’hésiterait pas à s’allier avec ses adversaires historiques pour préserver ses positions. À partir de là, le mouvement est entré dans une longue séquence de désaffection, de brouillage idéologique et d’effacement électoral.
La disparition de son groupe au Congrès ne fait que traduire institutionnellement ce que la réalité politique imposait déjà depuis des années : Calédonie ensemble n’était plus perçu comme une force cohérente, ni comme un repère politique fiable. Les électeurs avaient tranché bien avant la justice.
Un effondrement institutionnel qui confirme une réalité électorale ancienne
La disparition du groupe Calédonie ensemble au sein du Congrès de la Nouvelle-Calédonie n’est pas un choc politique inattendu. Elle apparaît plutôt comme l’ultime étape d’un déclin entamé depuis longtemps. L’inéligibilité de plusieurs responsables du mouvement provoque mécaniquement la dissolution du groupe, mais l’essentiel n’est pas là. Le véritable verdict avait déjà été rendu par les électeurs, année après année, scrutin après scrutin.
Longtemps présenté comme la formation du « centre non-indépendantiste », CE n’avait plus la dynamique ni l’assise nécessaires pour peser dans le débat public. Les résultats successifs montraient déjà la perte d’influence : recul aux provinciales, effritement aux municipales, effacement progressif dans les institutions. Le mouvement n’existait plus que par inertie, porté par un héritage politique plutôt que par une base électorale réelle.
La disparition du groupe au Congrès ne fait donc qu’entériner ce que les urnes avaient signalé depuis longtemps : Calédonie ensemble ne représentait plus qu’une fraction résiduelle de l’opinion. Dans un moment où la Nouvelle-Calédonie cherche à sortir des tensions, des émeutes et des fractures du paysage institutionnel, cette extinction politique reflète l’évolution d’un électorat qui s’est tourné ailleurs.
Des années de désaffections culminant avec l’échec cuisant de Philippe Dunoyer en 2024
L’un des marqueurs les plus clairs de cette chute est le score obtenu par Philippe Dunoyer aux législatives de 2024. Député sortant et figure centrale du mouvement, il n’a recueilli que 10,33 % des suffrages exprimés au premier tour dans la 1ʳᵉ circonscription. Un résultat trop faible pour espérer se maintenir, symbole d’un parti passé de force dominante à rôle marginal en moins d’une décennie.
Cet échec électoral majeur n’est pas isolé : il confirme une tendance lourde. Calédonie ensemble n’a cessé de perdre des voix, des élus, des relais et des militants. Aucun renouvellement n’a permis d’inverser la courbe ; aucune stratégie n’a redonné de souffle à un mouvement devenu inaudible dans un climat politique de plus en plus polarisé.
Quand un parti n’est plus capable de franchir les seuils minimaux aux législatives, quand son ancrage municipal s’effrite et quand ses dirigeants sont incapables de mobiliser leur propre socle, la sanction politique devient inévitable. La justice, en exécutant les décisions d’inéligibilité, ne fait qu’officialiser ce que les électeurs avaient déjà exprimé : le mouvement ne pèse plus.
Ainsi, la perte du groupe ne constitue pas une surprise, mais un constat : un parti qui cumulait les revers électoraux, incapable de remobiliser, finit mécaniquement par disparaître des instances où il ne disposait plus que d’une présence artificielle.
Un paysage politique recentré, non par victoire adverse, mais par extinction progressive
Dire que cette disparition « profite » à un camp serait réducteur. La réalité est plus simple : Calédonie ensemble n’existait plus politiquement. Sa disparition au Congrès ne renforce pas automatiquement un autre acteur ; elle retire du jeu une formation qui n’occupait déjà plus qu’un espace symbolique.
Le vide laissé par CE ne traduit pas un changement d’alliance ou un basculement stratégique. Il reflète simplement la recomposition naturelle d’un paysage où les électeurs ont déjà choisi d’autres forces pour incarner la défense du maintien dans la France, la gestion de la crise économique ou la reconstruction institutionnelle. La disparition du groupe ne fait que mettre en cohérence l’institution avec la réalité du terrain.
Cette évolution ouvre une période nouvelle. D’un côté, les partis structurés s’affirment plus clairement dans un contexte où les enjeux sont lourds : réforme institutionnelle, corps électoral, sécurité, relance économique. De l’autre, l’effacement de CE accélère la polarisation politique, car le mouvement servait parfois d’espace tampon entre des visions opposées.
Au final, plus que le signe d’une recomposition victorieuse, la disparition du groupe Calédonie ensemble est surtout le symptôme d’un parti déjà déserté, qui n’avait plus la force de se présenter face aux électeurs pour confirmer sa légitimité. La justice achève ce que les urnes avaient commencé : un mouvement sans base, sans dynamique et sans avenir politique.

















