le Gabon veut interdire l’exportation de manganèse brut dès 2029
Le géant minier français confronté à la nouvelle stratégie industrielle du Gabon, qui pourrait bouleverser ses activités en Afrique de l’Ouest
Les actions d’Eramet ont enregistré une forte baisse ce lundi 2 juin 2025, après l’annonce d’une décision stratégique du gouvernement gabonais : à partir du 1er janvier 2029, le pays interdira l’exportation de manganèse non raffiné. Une mesure qui vise à stimuler la transformation locale du minerai et qui remet en cause le modèle économique du groupe minier français dans la région.
Eramet, via sa filiale Comilog (Compagnie minière de l’Ogooué), exploite à Moanda la plus grande mine de manganèse au monde. Si une partie de la production est déjà transformée localement, la majorité est exportée brute. Cette décision pourrait donc profondément affecter la chaîne d’approvisionnement mondiale, alors que la demande en manganèse – utilisé notamment dans l’acier et les batteries de véhicules électriques – ne cesse de croître.
Une tendance continentale vers la transformation locale
Le Gabon emboîte le pas à d’autres pays africains tels que la Guinée (bauxite), le Zimbabwe (lithium) ou encore le Mali et la Tanzanie (or), qui cherchent à capturer plus de valeur en développant des industries de transformation sur leur sol.
Cette évolution politique s’inscrit dans une volonté plus large du président Brice Oligui Nguema, arrivé au pouvoir après un coup d’État en 2023 puis élu en 2025, de relancer une économie fragilisée et de renforcer la souveraineté économique du pays.
Eramet appelle au dialogue et à la coopération
Dans un communiqué, Eramet a reconnu avoir pris acte de la décision gabonaise et affirme vouloir poursuivre le dialogue avec les autorités locales « dans un esprit de partenariat constructif et de respect mutuel ». L’entreprise souligne également son engagement à préserver les 10.460 emplois soutenus au Gabon par Comilog et sa filiale ferroviaire Setrag.
L’impact de cette annonce a été immédiat sur les marchés : le titre Eramet a chuté jusqu’à 5,5 % en début de séance avant de limiter ses pertes à environ 4 %.
Vers un tournant stratégique pour Eramet ?
Cette pression pour relocaliser la transformation du minerai intervient alors qu’Eramet cherche à redéfinir son portefeuille d’activités. Alors que ses sites de Moanda (Gabon) et Weda Bay (Indonésie) ont porté sa croissance ces dernières années, son activité historique de nickel en Nouvelle-Calédonie a été fragilisée par des pertes financières et des tensions sociales.
L’exemple indonésien pourrait d’ailleurs servir de modèle : après l’interdiction d’exportation du minerai de nickel, le pays a attiré de nombreux investissements dans la transformation locale. La semaine dernière, Eramet a justement signé un protocole d’accord avec le fonds souverain indonésien Danantara pour évaluer de futurs projets dans la transformation du nickel.
La décision du Gabon pourrait donc marquer un tournant stratégique pour Eramet, l’obligeant à accélérer sa transition vers une chaîne de valeur plus intégrée sur le continent africain.