Visas en hausse, demandes d’asile en recul, expulsions en nette progression : les chiffres de l’immigration en France pour 2024 confirment une inflexion stratégique.
Le 26 juin 2025, le ministère de l’Intérieur a rendu publiques les statistiques officielles de l’immigration, des titres de séjour, de l’asile et des naturalisations. Dans un contexte politique marqué par les tensions identitaires et les débats sur l’intégration, ces données offrent un instantané précis de la réalité migratoire sur le sol français.
Une envolée des visas portée par la reprise post-Covid
En 2024, la France a délivré 2,9 millions de visas, soit une hausse significative de +16,8 % par rapport à 2023 (2,4 millions). Cette progression, bien qu’importante, ne permet pas encore de retrouver les niveaux d’avant-Covid : en 2019, on comptait 3,5 millions de visas délivrés.
Parmi les trois grandes catégories de visas, le visa de court séjour (moins de 90 jours) reste dominant, avec 2,6 millions de délivrances. Ces séjours incluent notamment le tourisme, les visites familiales ou les voyages d’affaires. À cela s’ajoutent les visas de transit et les visas de long séjour (étudiants, regroupement familial…).
La demande globale reste élevée : près de 3,5 millions de demandes ont été enregistrées, dont 580 000 refusées. Trois pays arrivent en tête des visas accordés : la Chine, le Maroc et l’Algérie. À noter : les ressortissants chinois ont vu leur nombre de visas bondir de 51 %, expliquant à eux seuls près de la moitié de la hausse totale observée.
Titres de séjour : une progression mesurée, l’humanitaire en forte hausse
Sur le front des titres de séjour, 343 024 premiers titres ont été délivrés en 2024, soit une hausse modérée de +0,9 %. Le motif étudiant reste la principale porte d’entrée légale, suivi par les motifs familiaux. Mais la plus forte croissance concerne les titres accordés au titre de l’humanitaire, en hausse de +13,4 %.
Les ressortissants du Maroc, d’Algérie et de Tunisie restent les premiers bénéficiaires de ces titres. Côté éloignements, 27 791 étrangers en situation irrégulière ont été expulsés du territoire, soit une hausse de +22,4 % par rapport à 2023, signe d’un durcissement des politiques de reconduite à la frontière.
Demandes d’asile en recul, mais les protections accordées progressent
L’année 2024 a enregistré 157 552 demandes d’asile, un chiffre en baisse de 5,7 % par rapport à l’année précédente. Les principaux pays d’origine des demandeurs restent l’Ukraine, l’Afghanistan et la RDC (République Démocratique du Congo). Cette baisse survient dans un contexte européen tendu, avec un resserrement progressif des politiques d’accueil.
En revanche, les décisions positives ont fortement augmenté : 70 284 statuts de protection (réfugié ou protection subsidiaire) ont été accordés par l’Ofpra (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides) et la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), soit +15,4 % par rapport à 2023. L’Ofpra, à elle seule, a reçu 153 715 dossiers.
Naturalisation en hausse, mais baisse des contrats d’intégration
Le nombre de personnes ayant acquis la nationalité française a progressé. En 2024, 66 745 étrangers ont été naturalisés, soit +8,3 % par rapport à 2022. Cette acquisition se fait soit par décret, soit par déclaration (mariage, ascendants de Français…).
En revanche, le nombre de contrats d’intégration républicaine (CIR), un dispositif obligatoire pour les primo-arrivants, est en nette baisse : 114 443 contrats signés, soit –10,5 %. Le ministère évoque une interruption temporaire des signatures pour justifier ce recul.
Qu’en est-il chez nos voisins ?
Entre 2022 et 2024, l’Australie a renforcé sa politique migratoire pour répondre à ses besoins économiques, sécuritaires et stratégiques. En 2022, le pays a accueilli 171 000 nouveaux immigrés permanents, dont 60 % au titre du regroupement familial et 24 % pour le travail. L’Inde, la Chine et le Népal étaient les principales nationalités. Le pays a également délivré 250 300 visas temporaires de travail et 189 000 pour les étudiants internationaux.
En 2023, les demandes d’asile ont bondi de +69 %, atteignant 33 000, avec une hausse marquée des dossiers iraniens. L’Australie a pris 66 000 décisions d’asile, dont 28 % positives.
Le gouvernement a fixé à 190 000 le plafond de l’immigration permanente pour 2023‑2024, ciblant les pénuries de compétences. Une nouvelle Stratégie d’immigration, publiée en décembre 2023, met l’accent sur une immigration qualifiée, des standards relevés pour les étudiants internationaux, la lutte contre l’exploitation, et le soutien aux zones régionales.
L’Australie mise sur une immigration mieux ciblée, plus éthique, et adaptée à ses enjeux économiques de long terme.
En 2022, la Nouvelle-Zélande a accueilli 154 000 nouveaux immigrés permanents, un bond de +340 % par rapport à 2021. Près de 49 % étaient des migrants de travail et 47 % des membres de famille. L’Inde, les Philippines et la Chine ont constitué les principales nationalités. En parallèle, 141 000 visas de travail temporaires ont été délivrés.
En 2023, les demandes d’asile ont grimpé de 410 %, atteignant 1 700, avec une majorité en provenance d’Inde, de Chine et de Malaisie. Le taux d’acceptation reste faible (31 %).
Face à une immigration jugée « insoutenable », le gouvernement a durci les critères des visas de travail, en exigeant davantage de qualifications, d’expérience et une maîtrise de l’anglais pour les métiers peu qualifiés. En octobre 2023, les règles d’accès à la résidence permanente pour immigrés qualifiés ont été simplifiées avec un système à points plus clair.
La durée du visa de travail AEWV (Accredited Employer Work Visa) a été portée à cinq ans, puis ramenée à trois ans pour les postes peu qualifiés dès avril 2024. Les programmes vacances-travail 2024 ont rouvert avec un quota total de 29 150 places.
En 2024, la Nouvelle-Zélande a ajouté six métiers à sa « liste verte » des secteurs prioritaires, porté le plafond des employeurs saisonniers à 19 500, et instauré un visa de résident spécial pour les Ukrainiens. Une loi de réforme de l’immigration a été adoptée en mai 2024 pour mieux gérer les arrivées irrégulières par la mer.
L’éducation internationale redémarre lentement : en 2023, les demandes étudiantes ont retrouvé un niveau proche de celui d’avant-Covid, mais avec un taux de rejet accru. La contribution économique de ce secteur pourrait revenir à ses niveaux de 2019 d’ici 2030.
Une politique migratoire sous tension
Ces chiffres confirment les tendances contrastées de la politique migratoire française : volonté de maîtriser les flux irréguliers, tout en maintenant une ouverture relative pour les mobilités légales (étudiants, tourisme, regroupement familial). La hausse des visas chinois, la progression des expulsions et la baisse des demandes d’asile traduisent des évolutions structurelles que le gouvernement devra continuer de surveiller de près à l’approche de la présidentielle de 2027.