Sous les dorures, quelques fissures : l’Élysée entre rigueur, communication et contradictions. Mais derrière le vernis des économies et de la transition énergétique, la Cour des comptes met en lumière quelques pratiques coûteuses, encore très éloignées des standards du « sobriété exemplaire » tant revendiqués.
Une gestion mieux tenue… dopée par des hausses exceptionnelles
Le résultat comptable 2024 de la présidence de la République est dans le vert : +6,7 millions d’euros, contre un déficit de 8,3 millions l’année précédente. Grâce à une hausse de la dotation et à des recettes exceptionnelles, la trésorerie a même été reconstituée à 4,5 millions d’euros.
Dans un contexte de rigueur budgétaire, l’Élysée met en avant sa capacité à maîtriser ses dépenses de personnel et de fonctionnement, même si les investissements ont bondi. En cause : le lancement de la Maison Élysée, vitrine touristique mêlant boutique, salon de thé et espace muséal, et les travaux de géothermie, censés réduire la facture énergétique.
Pour autant, certains coûts périphériques explosent. Les heures supplémentaires, astreintes et permanences ont grimpé de 10,1 %. La masse salariale a suivi : +4 % en un an. Avec 822 agents, l’Élysée approche de son plafond d’emplois. La restauration gratuite continue d’alimenter les critiques internes, même si quelques correctifs ont été engagés.
Logements de fonction, sécurité, communication : les pratiques pointées du doigt
La gestion du parc immobilier reste floue, malgré des alertes répétées de la Cour des comptes : la gestion du parc immobilier reste floue. La présidence est sommée de revaloriser certains loyers, voire de mettre fin à des avantages hérités du passé.
Côté sécurité, les policiers affectés au GSPR perçoivent encore une double indemnisation pour leurs astreintes. Une anomalie dénoncée en 2023, mais toujours pas résorbée. L’indemnité de sujétion présidentielle s’ajoute aux récupérations d’heures : l’État paie deux fois, la Cour demande la fin de ce système.
Le numérique fait aussi grincer. Malgré l’adoption d’un schéma directeur informatique 2024-2027, le sous-effectif chronique du service empêche la mise en œuvre de plusieurs chantiers. L’intelligence artificielle commence à être utilisée dans le traitement du courrier, mais les ambitions affichées peinent à se concrétiser.
Même la Maison Élysée, pourtant pensée comme une vitrine de rentabilité, n’a pas dégagé les ressources espérées. Ouverte à la hâte avant les JO, avec procédures accélérées et surcoûts, elle est aujourd’hui requalifiée par l’exécutif comme un simple outil de « rayonnement ».
L’écologie présidentielle avance, mais reste sous contrainte
Depuis 2019, l’Élysée tente de verdir son image, avec un plan de sobriété aligné sur la neutralité carbone 2050, un budget vert, et un suivi précis de ses émissions de gaz à effet de serre. En 2024, les émissions ont baissé de 10 %, notamment grâce à la suppression des chaudières au fioul, à la réduction des vols officiels, et au raccordement au réseau CPCU.
L’empreinte numérique a chuté de 31 % en cinq ans, et près de 40 % de la flotte présidentielle est désormais à faibles émissions. Mais la transition complète vers l’électrique est freinée par les exigences opérationnelles.
Enfin, les clauses environnementales sont généralisées dans les marchés publics, la formation des agents à la RSO progresse, et la consommation d’eau et de gaz baisse. Mais les bâtiments classés, la mobilité du président et les déplacements impératifs limitent les marges de manœuvre. L’effort est réel, la contrainte aussi.
En façade, la présidence se modernise, maîtrise mieux ses comptes et affiche des ambitions vertes crédibles. Mais la réalité des chiffres et des pratiques révèle encore des zones de confort, des dérogations anciennes, et des dépenses évitables. Entre efforts salués et privilèges inchangés, le « nouvel Élysée » avance à petits pas, encore lesté de ses anciens réflexes.