Un vent de réforme souffle sur le ciel calédonien. Air Calédonie, au bord de l’asphyxie, voit son avenir se jouer entre Magenta et La Tontouta.
Une réforme profonde de la continuité pays
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a franchi un pas décisif en adoptant, ce 20 août 2025, un arrêté d’application de la délibération n°502 votée par le Congrès le 29 juillet dernier. Ce texte balaie les anciens dispositifs de continuité pays aérienne (2012) et maritime (2013), désormais jugés obsolètes. L’objectif est clair : recentrer l’aide sur les résidents des îles et redonner un cadre cohérent à un système devenu inégal et coûteux.
La réforme introduit une carte transport entièrement dématérialisée, déjà amorcée depuis 2023, qui sera valable du 1er septembre 2025 au 28 février 2026. Chaque bénéficiaire sera identifié dans le système de l’Agence pour la desserte aérienne de Nouvelle-Calédonie (ADANC). C’est elle qui aura désormais la responsabilité de gérer l’ensemble du dispositif, avec un contrôle renforcé.
Autre changement majeur : la suppression de la catégorie « bébé » pour les trajets maritimes, jugée inadaptée. Les aides sont uniformisées en deux catégories : adulte (12 ans et plus) et enfant (2 à 12 ans). L’arrêté reprend les montants existants, sans excéder le prix réel du billet, mais harmonise la grille tarifaire. Ainsi, pour un vol entre Magenta et les Îles Loyauté, l’aide atteint 5 300 francs pour un adulte et 3 600 francs pour un enfant. Vers l’île des Pins, elle se fixe à 4 100 francs pour un adulte et 2 700 francs pour un enfant. Côté maritime, les trajets bénéficient également d’un soutien : 5 250 francs pour Lifou ou Maré, et 2 775 francs pour l’île des Pins ou Belep.
Air Calédonie : un déménagement vital vers La Tontouta
Au-delà de la réforme sociale, le sujet qui enflamme le débat reste le transfert d’Air Calédonie de Magenta vers La Tontouta. Depuis lundi 18 août, le président du gouvernement, Alcide Ponga, a entamé une tournée d’explication dans les Îles Loyauté. Mais, malgré la pédagogie affichée, les habitants restent vent debout.
Pourtant, la réalité est implacable : Air Calédonie est exsangue. Ses finances, déjà fragilisées par la crise du Covid, ont sombré après les émeutes du 13 mai 2024. La compagnie a dû mettre en location un ATR à Tahiti et envisage même la vente d’un appareil. Dans ce contexte de survie, le déménagement vers La Tontouta apparaît comme un choix de raison, presque de vie ou de mort.
Depuis des décennies, le projet traîne. Mais aujourd’hui, l’urgence ne laisse plus le luxe de tergiverser. Concentrer les infrastructures et rationaliser les coûts est la seule voie pour sauver la desserte aérienne domestique, indispensable au lien entre la Grande Terre et les îles.
Le transfert soulève une autre question : le devenir du contrôle aérien de Magenta. Si le trafic bascule vers La Tontouta, il ne sera plus justifié de maintenir une tour de contrôle sur place. Les technologies actuelles permettent déjà la gestion à distance, comme en Suède ou à Toulouse. En période de restrictions budgétaires, chaque économie compte.
Un chantier politique et social explosif
Cette réforme de la continuité pays, couplée au dossier explosif du déménagement d’Air Calédonie, constitue l’un des plus grands défis du gouvernement Ponga. D’un côté, il s’agit de garantir aux insulaires une mobilité soutenue par la puissance publique, grâce à des aides transparentes et simplifiées. De l’autre, il faut affronter la colère d’une partie de la population, persuadée de perdre un symbole en voyant Aircal quitter Nouméa.
Le gouvernement a toutefois anticipé certains écueils. Des clauses permettent de transférer les droits aériens vers les droits maritimes lorsque Belep n’est pas desservie par avion, et inversement pour Ouvéa en cas d’absence de bateau. Cette souplesse évite de pénaliser les habitants les plus isolés.
Mais l’essentiel reste à venir : un projet de loi du pays doit être présenté d’ici la fin de l’année. Ce texte introduira de nouveaux critères d’éligibilité aux aides, liés aux revenus, au lieu de résidence ou encore à l’activité professionnelle. Objectif : recentrer les subventions sur ceux qui en ont le plus besoin, tout en respectant les limites financières de l’ADANC et de la Nouvelle-Calédonie.
L’avenir d’Air Calédonie et de la continuité pays se joue donc dans un équilibre fragile entre sauvegarde économique et justice territoriale. Face aux résistances, le gouvernement assume une ligne claire : moderniser, rationaliser et surtout éviter la faillite de la compagnie domestique, colonne vertébrale du lien républicain entre les îles et la Grande Terre.
En toile de fond, un message limpide : la Nouvelle-Calédonie doit vivre avec ses moyens. Et cela passe par des réformes parfois douloureuses, mais nécessaires pour éviter l’effondrement.