Un chantier majeur pour la santé calédonienne s’ouvre. Le CESE alerte sur une réforme sanitaire et sociale aux enjeux cruciaux.
Une protection sociale sous tension
Le CESE de Nouvelle-Calédonie a rendu un avis décisif sur l’avant-projet de loi du pays visant à refondre les règles sanitaires et sociales. Ce texte, soumis par le gouvernement, entend moderniser un système qui n’avait pas été repensé depuis 2017. Objectif affiché : optimiser les dépenses de santé, renforcer les contrôles et simplifier les démarches.
Le Conseil souligne néanmoins les limites d’une consultation jugée « trop fragmentée ». De nombreux acteurs n’ont pas eu une vision globale du projet, compromettant la qualité des contributions. La réforme touche au cœur du quotidien des Calédoniens : remboursement des soins, tiers payant, numérisation ou encore statut des professionnels de santé.
Le contrôle médical unifié, confié à la CAFAT, pourrait éviter les abus, mais il suscite la crainte d’une « dérive budgétaire » au détriment de la qualité des soins. Le CESE insiste sur la nécessité d’un cadre clair et de recours solides pour éviter les abus de pouvoir administratif.
La révolution numérique et le tiers payant
Autre pilier du projet : la numérisation des démarches et la e-santé. Les feuilles de soins seront désormais dématérialisées et centralisées, avec obligation de transmission électronique. Une avancée saluée, mais qui soulève des inquiétudes quant aux zones mal couvertes par internet et au surcroît de charges imposé aux professionnels de santé.
La réforme prévoit aussi l’hébergement sécurisé des données médicales, confié à des prestataires agréés. Le CESE avertit : la protection de ces données sensibles exige des contrôles renforcés et une localisation stricte, afin de garantir la souveraineté sanitaire du territoire.
Le tiers payant est également étendu pour éviter aux patients d’avancer les frais. Une mesure applaudie, mais conditionnée à la mise en place d’outils techniques comme un identifiant de santé et une plateforme centralisée. Sans ces prérequis, le risque est grand de voir un dispositif inapplicable sur le terrain.
Pharmacies, professionnels et accès aux soins
Le projet législatif touche aussi les professions médicales et pharmaceutiques. Les sages-femmes voient leurs prérogatives élargies, avec la possibilité de prescrire davantage d’actes, mais la réforme reste en retard par rapport à la métropole. Quant aux pharmaciens, ils pourront administrer des vaccins, ce qui facilitera l’accès aux soins de proximité.
La question des pharmacies mutualistes est explosive : le texte prévoit leur suppression pour les aligner sur les officines classiques. Une décision contestée, car ces structures jouent un rôle spécifique pour leurs adhérents. Pour le CESE, toute modification doit passer par une concertation avec les professionnels.
Enfin, le statut de collaborateur libéral est introduit pour faciliter l’installation des jeunes médecins. Une mesure saluée, car elle permet une transmission progressive des patientèles et une meilleure continuité des soins.
Le CESE reconnaît l’importance de cette réforme, qui vise à moderniser un système de santé souvent frappé par les crises. Mais il alerte sur des zones d’ombre : contrôles trop flous, risques de pénurie, suppression contestée des pharmacies mutualistes, fragilité de l’hébergement des données.
La Nouvelle-Calédonie a besoin d’un cadre sanitaire solide, moderne et protecteur. Reste à savoir si le gouvernement parviendra à transformer ce projet en un outil efficace, sans fragiliser davantage un système déjà sous pression.