Un sondage fait vaciller un tabou politique entre Wellington et Rarotonga. Les relations se tendent autour d’un mot : citoyenneté.
Le virage chinois des îles Cook enflamme l’opinion néo-zélandaise
Près d’un Néo-Zélandais sur deux ne veut plus que les habitants des îles Cook bénéficient automatiquement de la citoyenneté néo-zélandaise. C’est ce que révèle un sondage réalisé par le New Zealand Taxpayers’ Union, publié mardi. Sur les 1000 personnes interrogées, 46 % se sont prononcées contre le maintien de cet avantage historique, tandis que 30 % y restent favorables et 24 % hésitent.
Le contexte n’est pas neutre. Le gouvernement des îles Cook s’est récemment rapproché de la Chine, signant des accords sans informer Wellington. C’est ce point précis que soulignait la question posée aux sondés, présentée ainsi :
« Le gouvernement des îles Cook poursuit un rapprochement stratégique avec la Chine sans consulter la Nouvelle-Zélande. Faut-il, dans ce contexte, maintenir l’accès automatique à la citoyenneté, aux soins et à l’éducation néo-zélandaise ? »
Un angle jugé trop orienté par certains observateurs politiques. Mais pour Tory Relf, porte-parole de l’organisation à l’origine du sondage, la formulation était légitime :
« Si les îles Cook s’éloignent, les contribuables ont le droit de remettre les aides en question. »
Une relation historique remise en cause au nom de la souveraineté
Depuis 1965, la Nouvelle-Zélande et les îles Cook sont liées par un accord de libre association. Ce statut particulier permet aux Cookiens d’accéder automatiquement à la nationalité néo-zélandaise. Mais cette proximité juridique et humaine semble aujourd’hui mise à mal par les évolutions géopolitiques.
Winston Peters, ministre néo-zélandais des Affaires étrangères, a suspendu une aide de 20 millions de dollars néo-zélandais, après que les îles Cook ont signé plusieurs protocoles d’accord avec Pékin en février, sans avertir Wellington. Une décision considérée comme extrême par l’opposition travailliste.
Carmel Sepuloni, vice-présidente du Parti travailliste et porte-parole pour les Affaires du Pacifique, reconnaît une entorse aux règles, mais reste prudente :
« Oui, ils ont franchi une ligne, mais nous ne disposons pas de tous les éléments. Suspendre l’aide, c’est très fort. On a vu ça dans des cas comme le coup d’État aux Fidji. »
Elle conteste également la tournure de la question posée au public, qu’elle juge trop catégorique :
« On suppose que la relation est morte, qu’il n’y a plus rien à sauver. C’est faux. »
Les îles Cook contre-attaquent : “Ce n’est pas un privilège, c’est un droit”
Le Premier ministre des îles Cook, Mark Brown, a réagi rapidement à ce sondage, appelant à remettre les choses en perspective :
« Les Cookiens sont citoyens néo-zélandais non par faveur, mais par droit historique. »
Il rappelle que plus de 100 000 Cookiens vivent aujourd’hui en Nouvelle-Zélande, où ils contribuent à l’économie, à la culture et à la société :
« Ce n’est pas une relation d’assistanat, c’est un lien familial. »
Brown insiste sur les liens constitutionnels profonds, souvent méconnus du grand public, et dénonce une vision comptable et utilitaire de la relation bilatérale :
« Nous avons combattu ensemble, bâti ensemble. On ne peut pas jeter cela parce que la géopolitique change. »
Pour lui, ce débat, influencé par des tensions avec la Chine, ne peut pas occulter les fondements humains et historiques de cette alliance. Une position qui ne suffira peut-être pas à calmer l’opinion, de plus en plus sensible aux enjeux de souveraineté nationale.