La chute judiciaire de Philippe Gomès et Philippe Michel provoque une onde de choc politique. Le parti perd ses sièges, son groupe, et toute influence au sommet.
Deux condamnations, deux démissions, et une chute programmée
Le 2 juillet 2025 restera comme une date noire pour Calédonie ensemble. Ce jour-là, Philippe Gomès et Philippe Michel, deux des figures les plus influentes du parti, ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Nouméa : le premier à quatre ans de prison, dont deux fermes sous bracelet électronique, et cinq ans d’inéligibilité ; le second à trois ans de prison, dont un ferme aménagé, assorti également de cinq ans d’inéligibilité.
À la suite de ces décisions, le haut-commissaire de la République a pris des arrêtés de démission d’office, qui frappent les deux élus dans tous leurs mandats : à l’Assemblée de la province Sud, au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, et dans les organismes qui en dépendent.
Les décisions ont été transmises pour notification aux intéressés et à leurs conseils. Une fois le délai légal de quinze jours écoulé, le Congrès et l’Assemblée seront officiellement informés de leur éviction. Le couperet est inéluctable.
Mais la conséquence la plus lourde n’est pas seulement juridique : elle est politique. Car sans Gomès ni Michel, Calédonie ensemble n’a plus assez d’élus pour constituer un groupe politique au Congrès.
Un groupe politique qui disparaît, un pouvoir qui s’évapore
Avec les deux figures emblématiques évincées, Calédonie ensemble tombe sous le seuil requis de quatre membres pour maintenir un groupe reconnu. Cela signifie la perte automatique de la personnalité juridique du groupe au sein du Congrès.
Ce n’est pas anodin : la disparition du groupe entraîne la perte du temps de parole réservé, de la capacité à proposer des textes et, surtout… de la présidence de la commission permanente.
Jusqu’ici, Calédonie ensemble présidait cette commission-clé, véritable cœur décisionnel du Congrès entre les sessions. L’ancien parti des députés en détenait la présidence. Avec cette éviction, le mouvement politique se retrouve écarté des centres de décision, marginalisé.
Ce recul institutionnel majeur relègue désormais Calédonie ensemble au rang d’indépendants éparpillés, privés de relais, de ressources et d’influence. C’est la mort politique d’un courant politique qui a dominé la scène calédonienne pendant plus d’une décennie.
Une bataille juridique encore incertaine… et une recomposition politique en marche
Mais la guerre judiciaire n’est pas terminée. Comme Jacques Lalié avant eux, Gomès et Michel contestent leur démission d’office devant le Conseil d’État. Leur objectif : faire reconnaître que leurs mandats ne sont pas de simples mandats locaux, mais des mandats parlementaires. Dans ce cas, la sanction serait inconstitutionnelle.
Le Conseil d’État a déjà accepté de saisir le Conseil constitutionnel dans le dossier Lalié, en juin dernier, via une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La décision du Conseil est attendue d’ici septembre, et fera jurisprudence pour tous les cas similaires, y compris celui de Gomès et Michel.
En parallèle, les sièges des deux élus doivent être pourvus. Les remplaçants ? Jean Kays et Nina Julié. Problème : Julié a quitté Calédonie ensemble pour Générations NC. En entrant au Congrès, elle renforcera un autre camp, aggravant encore la dilution du courant gomésien.
Le symbole est cruel : non seulement Calédonie ensemble perd ses deux chefs, mais l’un des deux sièges revient à un autre parti. Une recomposition interne s’annonce violente, sur fond de tensions et d’alignements nouveaux.
En quelques semaines, le parti de Philippe Gomès passe de force centrale à acteur fantôme. Son groupe dissous, sa voix affaiblie, ses leviers de pouvoir perdus, Calédonie ensemble se retrouve hors jeu pour l’après-Bougival.
La chute d’un empire, actée par une décision judiciaire. Et peut-être, demain, par l’histoire.