Le Palika a tranché. En validant sans réserve l’accord de Bougival, le parti acte sa rupture avec le FLNKS et assume une ligne claire : défendre, expliquer, convaincre. Une stratégie offensive qui marque un tournant dans la bataille de l’après-Nouméa.
Une ligne claire et assumée face aux hésitations du FLNKS
Depuis plusieurs mois, les divergences stratégiques au sein du camp indépendantiste se sont creusées. Déjà à distance du FLNKS depuis la fin 2024, le Palika a confirmé sa rupture lors de la réunion du 19 juillet à Voh. Là où le front hésite encore, parle d’un texte « non définitif », le Palika se montre déterminé à défendre l’accord sans en modifier une ligne.
Il y avait une attente très forte de la base , ont résumé les cadres du parti.
Pour eux, la signature de Bougival constitue une avancée réelle, un compromis difficile, mais nécessaire. « Il n’y a pas de vaincu », martèlent-ils. Un discours de paix et de maturité, hérité de l’esprit des accords de Matignon, que le Palika veut désormais porter dans l’ensemble du pays.
En face, le FLNKS patine, entre tergiversations et divisions internes. Alors que le bureau politique du front doit encore se prononcer le 22 juillet, le Palika prend une longueur d’avance, déjà tourné vers les explications de terrain.
Calédonie Ensemble en soutien : vers une pédagogie du compromis
À Nouméa, au même moment, Calédonie Ensemble organisait une rencontre citoyenne autour du texte de Bougival. Deux cents personnes ont assisté à une présentation détaillée menée par Philippe Dunoyer et Philippe Gomès. L’enjeu ? Expliquer les fondements de ce qui est perçu comme un tournant majeur : la naissance d’un « État de la Nouvelle-Calédonie » au sein de la République.
Le discours, désormais bien rodé, repose sur la logique d’un « avenir partagé ». Pour les ex-députés, l’accord incarne la vision portée depuis des décennies : une « petite nation dans la grande », un statut original, forgé dans le droit, la reconnaissance mutuelle et la co-souveraineté. Le terme revient comme un mantra dans les rangs de Calédonie Ensemble, qui entend faire de cet accord une boussole pour 2026.
Le public, attentif mais parfois inquiet, a soulevé des interrogations récurrentes : transfert de compétences régaliennes, loi fondamentale, nationalité calédonienne, dégel du corps électoral. Autant de sujets sensibles, qui montrent que la bataille de la compréhension vient à peine de commencer.
Une souveraineté partagée sous haute surveillance
Dans le texte signé à Bougival le 12 juillet, une architecture institutionnelle radicalement nouvelle est posée. La Nouvelle-Calédonie y devient une organisation sui generis, appelée « État de la Nouvelle-Calédonie », dotée d’une nationalité propre, d’un droit à l’auto-organisation et d’une capacité à négocier des compétences régaliennes.
Sous la protection de la France, la construction d’un État interne repose sur un calendrier de transition maîtrisé. Une loi fondamentale, intégrée à la Constitution nationale, viendra remplacer l’actuel statut. Le Congrès calédonien, renforcé, pourra demander par référendum le transfert progressif de compétences souveraines.
Cette dynamique, portée notamment par Calédonie Ensemble, revendique un double objectif : répondre aux attentes des indépendantistes en matière d’émancipation, tout en garantissant les équilibres républicains chers aux non-indépendantistes. Un projet hybride, ni rupture brutale, ni immobilisme, qui veut dépasser l’affrontement binaire du Oui et du Non.
Mais sur le terrain, l’équation politique reste fragile. Si le Palika et Calédonie Ensemble affichent une convergence stratégique, la défiance persiste au sein d’une partie de la population.
Condamné pour détournement de fonds publics, Philippe Gomès, frappé d’inéligibilité immédiate, s’invite pourtant aux négociations sur l’avenir institutionnel : quelle légitimité pour un ex-député déchu, qui doit encore faire face à la justice dans l’affaire dite « NCE », auprès d’un électorat déboussolé ?
Les tensions sociales restent vives, et la légitimité des signataires pourrait être remise en question.
Les prochaines semaines seront décisives. Des réunions publiques sont prévues dans les trois provinces pour défendre le texte et convaincre au-delà des cercles militants. Face aux rumeurs et aux récupérations, les promoteurs du projet veulent imposer une lecture pédagogique, apaisée et responsable.