MARASME. Après le rejet définitif de l’accord de Bougival par les indépendantistes du FLNKS, l’archipel est de nouveau plongé dans l’incertitude.

Manuel Valls a décidément bien du mal à faire entendre sa voix. Désavoué par les loyalistes calédoniens en mai dernier, ce sont désormais les indépendantistes du Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS) qui échappent au ministre des Outre-mer. Réunis en congrès extraordinaire cette semaine, les partisans du FLNKS, noyautés par une mouvance de plus en plus radicale, ont confirmé leur refus de signer l’accord de Bougival, pourtant ratifié par tous les partis calédoniens à la mi-juillet, sous l’impulsion du président de la République Emmanuel Macron. Un coup dur pour l’exécutif, qui espérait, après des années de crise, faire sortir la Nouvelle-Calédonie du marasme économique, social et institutionnel dans lequel elle se trouve.
Car si Manuel Valls, de son côté, assure vouloir continuer la mise en place de l’accord, l’absence du FLNKS, qui représente la majorité des partisans de l’indépendance, risque de compromettre la poursuite des négociations. « Valls a fait une bêtise monumentale en se gargarisant d’un “accord historique”. Il se retrouve acculé et n’a plus d’autre option que de passer en force ! », assure Éric Descheemaeker, professeur de droit et politologue calédonien. Une hypothèse à risque, qui pourrait conduire l’archipel à connaître une nouvelle vague d’émeutes et de pillages, alors que le territoire est loin d’être remis des évènements de mai 2024. « Il faut comprendre qu’en l’absence de validation de l’accord de Bougival par le FLNKS, il n’y a plus d’accord, juste un projet d’accord n’ayant pas abouti », poursuit Éric Descheemaeker, qui regrette le fait que « personne n’ait de plan B ».
Le camp indépendantiste fracturé
Au sein du parti loyaliste, certains se frottent les mains. Le rejet de l’accord de Bougival par le FLNKS pourrait annoncer la division des partisans de l’indépendance. « À force de laisser entrer des éléments toujours plus radicaux, les cadres du FLNKS se sont fait bouffer de l’intérieur. Ils se sont exclus eux-mêmes du processus politique », veut croire un politicien non-indépendantiste. Si le maintien des mouvements indépendantistes Palika et Union Progressiste en Mélanésie (UPM) dans l’accord de Bougival peut lui donner raison, il serait mal avisé d’enterrer trop tôt le FLNKS.
Les prochaines semaines s’annoncent tumultueuses
Fer de lance de la rébellion de mai 2024, le Front de libération national kanak et socialiste a beaucoup gagné en popularité. Son président, Christian Tein, récemment sorti de de prison, jouit d’une image de libérateur dans l’archipel. Et son interdiction de revenir en Nouvelle-Calédonie pourrait conduire à un regain de tensions. D’autant qu’au sein du FLNKS, les nationalistes, adeptes de l’action violente et proches de pays étrangers, l’Azerbaïdjan notamment, n’ont cessé de gagner en influence. L’intégration de la Cellule de coordination des actions de terrains (Ccat) au parti, l’année dernière, illustre cette politique d’ouverture à des mouvances de plus en plus brutales.
Les prochaines semaines s’annoncent donc tumultueuses, d’autant plus que l’aide d’un milliard d’euros promise par Paris à Nouméa, conditionnée à d’importantes réformes fiscales et de réduction des allocations sociales, fait l’objet de nombreuses oppositions, malgré une économie calédonienne six pieds sous terre. La visite de Manuel Valls en Nouvelle-Calédonie, la semaine prochaine, devrait permettre de lever, au moins partiellement, l’inquiétant brouillard qui s’est abattu sur l’archipel.