La digue idéologique semble sur le point de céder. Ce qui n’était qu’un tabou devient, sondage après sondage, un désir majoritaire dans le pays : l’union des droites.
Une France fatiguée du macronisme, exaspérée par la gauche radicale et inquiète du déclin, pousse désormais ses leaders à faire cause commune.
La base militante réclame l’union, les états-majors traînent les pieds
Le constat est sans appel. Selon un sondage Ifop pour Valeurs actuelles, 52 % des Français approuvent l’idée d’un gouvernement de coalition des droites, réunissant Les Républicains, le Rassemblement national et Reconquête.
Une révolution politique dans un pays encore marqué par des décennies de « front républicain ».
Chez les sympathisants, c’est un raz-de-marée : 82 % des électeurs LR et 88 % de ceux du RN soutiennent cette idée. Même 41 % des électeurs Renaissance s’y disent favorables — un chiffre impensable il y a encore deux ans. Le front anti-RN se fissure, les digues morales se lézardent.
Les électeurs de droite n’ont plus aucun complexe à envisager une alliance avec le RN, observe Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop.
Et de conclure : « C’est un alignement des planètes. »
Les cadres LR, eux, restent prudents. Bruno Retailleau se montre réservé, quand d’autres, comme Sophie Primas, appellent à « travailler ensemble si les idées convergent ». Même Julien Aubert a franchi le Rubicon en soutenant un candidat allié au RN dans une partielle.
Une fracture est née : la base réclame l’union, les élus temporisent.
Marine tend la main, Bardella avance ses pions
Côté Rassemblement national, la mutation est déjà en marche. Fini le discours de la majorité absolue, place au pragmatisme politique.
S’il nous manque trente députés, on ira voir Les Républicains, souffle un proche de Marine Le Pen.
La main tendue à Éric Ciotti en 2024, moquée par la gauche, a pourtant marqué un tournant historique : la fin de l’isolement.
Jordan Bardella, lui, se prépare déjà à incarner cette nouvelle ère. Dans son livre Ce que je cherche (Fayard), il reprend à son compte la stratégie de Nicolas Sarkozy en 2007 : unir classes populaires et bourgeoisie conservatrice.
Et les Français le plébiscitent : 42 % souhaitent voir Bardella Premier ministre dans une coalition des droites, devant Marine Le Pen (36 %) et Bruno Retailleau (32 %). Le jeune président du RN séduit même 59 % de l’électorat LR, signe d’une convergence idéologique assumée.
Une union sur fond de priorités communes
Au-delà des postures, un socle commun émerge. Pour les électeurs LR, la priorité d’un tel gouvernement serait la réduction de la dépense publique (44 %), suivie de la maîtrise de l’immigration (27 %) et du pouvoir d’achat (16 %). Les électeurs du RN, eux, placent logiquement l’immigration en tête (48 %), devant le pouvoir d’achat (24 %) et les finances publiques (17 %).
Sur les retraites, en revanche, l’accord est presque total : la majorité des électeurs de droite ne veut plus rouvrir le dossier. L’urgence, estiment-ils, est ailleurs — dans la restauration de l’autorité, la relance économique et la défense de la nation.
Ce sondage agit comme un électrochoc. Car il ne révèle pas seulement un glissement politique, mais une fracture profonde entre le peuple et ses représentants.
Tandis que la base réclame un gouvernement d’union des droites, les états-majors continuent de craindre le « qu’en-dira-t-on médiatique ».
La droite populaire veut gouverner, la droite institutionnelle se cherche. Le verrou moral qui tenait depuis trente ans est en train de céder.
Et la question n’est plus « si », mais « quand ».