Tribune
Il est des vérités que certains préfèrent taire. Et d’autres, qu’ils préfèrent effacer.
Depuis des années, Roch Wamytan revendique la voix d’un peuple opprimé depuis « 160 ans », allant jusqu’à affirmer récemment que « depuis 160 ans, on emm… les Kanak ». Des mots violents, qui visent à opposer là où, précisément, la Nouvelle-Calédonie est née du mélange.
Un métissage qu’il renie
Car selon les travaux généalogiques de Liliane Fayard, Roch Wamytan est lui-même le fruit de ce métissage qu’il dénonce.
Son ancêtre, Didier Numa Joubert, né à Angoulême le 21 juin 1816, était un colon venu de Sydney s’installer en Nouvelle-Calédonie avec ses fils, dont Numa Auguste Joubert. Ce dernier, installé à Dumbéa, eut une fille, Marie Joubert, avec une Mélanésienne. Baptisée et instruite par les religieuses, Marie fut ensuite proposée par les missionnaires de Saint-Louis comme épouse au futur grand-chef Joseph Wamytan, un chrétien respecté.
Mais avant cette union, l’histoire du clan Kambwa, ancêtre des Wamytan, illustre déjà la complexité de ces lignages.
Le clan Kambwa, originaire de Païta, vivait autrefois sur les terres où se trouve aujourd’hui le lycée Jean XXIII. On disait que le chef Kambwa était cruel ; ses sujets se révoltèrent contre lui. Le chef et ses fils furent tués par les leurs. Seule la femme d’un des fils du chef, enceinte, échappa au massacre. Elle s’enfuit avec ses frères vers Yaté, portant dans son ventre l’enfant qui deviendrait l’ancêtre du vieux Joseph Wamytan et donc, de l’actuel grand chef Roch Wamytan.
Des racines honorables, mais effacées
La lignée s’est ensuite liée à la famille Joubert : un colon, un bâtisseur, un homme d’honneur. Numa Auguste Joubert, reconnaissant de ce lien entre sa descendance et les chefs de Saint-Louis, fit construire une grande habitation sur place, dont les vestiges subsistent encore aujourd’hui. Après son décès, alors que sa famille était repartie à Sydney, il fit parvenir régulièrement de gros colis à sa petite-fille Marie pour soutenir son commerce.
C’est ce même Joubert, colon, bienfaiteur et aïeul, que Roch Wamytan semble aujourd’hui renier. Des clans installés par les missionnaires et une grande chefferie établie par ces mêmes missionnaires catholiques. Une ingratitude que beaucoup jugent d’autant plus troublante que son propre sang porte cette double identité : celle des clans mélanésiens de Saint-Louis et celle des colons européens installés à Dumbéa.
Le peuple calédonien coule dans ses veines
Cette histoire illustre à merveille ce que les extrémistes refusent d’admettre. À longueur de journée, ils martèlent que « le peuple calédonien » n’existe pas. Mais le peuple calédonien, c’est quoi ?
C’est un brassage de l’histoire, à la fois ethnique et culturel. Et les origines de Roch Wamytan en sont la preuve parfaite.
Le peuple calédonien coule dans ses veines, mais son aveuglement idéologique l’empêche de le voir. Et pourtant, c’est génétique : des chercheurs allemands l’ont démontré par des tests ADN, que le Sénat coutumier a refusé d’appliquer à ses propres sujets.
Au final, le peuple calédonien coule dans leurs veines, et ils n’y pourront rien contre.
La Calédonie, c’est le mélange
Face à lui, Gil Brial l’a rappelé : « J’ai trois origines ethniques : wallisienne, européenne et kanak. »
Une phrase simple, mais essentielle : c’est cela, la Calédonie. Un archipel né de croisements, de métissages, de familles mêlées.
Et pourtant, Roch Wamytan persiste à diviser. Il oublie que sans ce brassage, sans Joubert, sans la fuite salvatrice de son aïeule enceinte vers Yaté, il ne serait peut-être même pas né.
L’incohérence politique
Le plus dérangeant, c’est ce double discours. Roch Wamytan rejette les structures adaptées pour les jeunes délinquants, alors même que la délinquance prospère dans sa propre tribu. Et il soutient un système d’inscription électorale où les noms kanak votent, mais où les autres sont exclus. Une logique étrange, qui interroge : un citoyen marié à une Kanak devrait-il être privé de vote ?
L’histoire, elle, répond d’elle-même : la Calédonie n’a jamais été une affaire de pureté. C’est un archipel de mélanges, et Roch Wamytan en est la preuve vivante.