Ils s’y attendaient tous, mais personne n’osait l’annoncer publiquement.
Et ce mercredi 3 décembre 2025, le président du gouvernement a tranché : la page se tourne, sans nostalgie.
L’héritage d’une institution devenue trop lourde à porter
Créée en 1988, la Maison de la Nouvelle-Calédonie (MNC) devait incarner la vitrine du territoire en métropole : accueil des étudiants, soutien aux malades, aide logistique pour les artistes, relais pour les délégations officielles. En 2008, elle s’installait fièrement rue de Ventadour, à deux pas de l’Opéra, symbole d’une époque où l’argent public coulait plus généreusement.
Mais les années fastes ont disparu. Et les fissures sont apparues : la MNC n’assurait plus vraiment la représentation institutionnelle, n’avait pas vocation à traiter les dossiers économiques et dépendait quasi exclusivement des subventions. La CAFAT avait certes trouvé un appui pour les évacuations sanitaires, mais cette coopération ne suffisait plus à justifier des dépenses galopantes.
Lorsque les provinces Nord et Sud ont claqué la porte et que la province des Îles Loyauté s’est embourbée dans une dette de 70 millions de francs, la structure n’était plus qu’un fardeau. Le gouvernement se retrouvait seul aux commandes, avec 300 millions de francs à sortir en 2025, malgré un budget « réduit au minimum ».
Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Alcide Ponga, de retour d’une de ces pérégrinations, l’a reconnu : « Cela ne pouvait plus continuer comme ça ».
Il fallait trancher. Vite, et fort.
Un choix impopulaire mais nécessaire : stop aux dépenses déraisonnables
Le loyer des locaux ? Six millions de francs par mois, près de 50 000 euros, pour une adresse prestigieuse mais désormais injustifiable. À cela s’ajoutait une critique ancienne : le rapport de la Chambre territoriale des comptes, en 2021, avait déjà pointé des irrégularités structurelles, rappelant que les collectivités n’avaient pas le droit de subventionner une unique association sans mise en concurrence.
Résultat : fermeture le 9 janvier 2026, dissolution complète avant juin ou juillet et douze salariés à reclasser. Un séisme administratif, mais une bouffée d’oxygène financière : 250 millions de francs économisés chaque année.
Mais tout le monde ne partage pas cet avis. L’Éveil océanien dénonce un « sacrifice », un effacement d’un symbole qui, selon le parti, participait à ce qui « fait Pays ». Une posture jugée démagogique par certains acteurs institutionnels : défendre un bâtiment parisien hors de prix, alors que la Nouvelle-Calédonie se débat dans un contexte économique sous tension, relève davantage d’un réflexe identitaire que d’une stratégie de responsabilité.
Vers une MNC 2.0 : recentrer, rationaliser, reconstruire
Fermeture ne signifie pas disparition. Le gouvernement réfléchit à une version plus rationnelle, moins coûteuse et plus alignée avec les enjeux actuels. Une « annexe de la Nouvelle-Calédonie à Paris » verra le jour dans des locaux déjà détenus par le territoire, dans le 7ᵉ arrondissement, aujourd’hui inoccupés. Réhabilitation prévue, ouverture espérée fin 2026.
Cette nouvelle structure sera rattachée au service de la coopération et des relations extérieures. Les missions seront recentrées : représentation institutionnelle, accueil minimal, relais logistique, mais sans dérives budgétaires.
Pour les étudiants près de 3 000 accueillis chaque année les provinces reprendront entièrement la gestion des bourses. La province Sud dispose d’ailleurs déjà de locaux à Lyon pour ses jeunes, preuve qu’une gestion territorialisée peut être efficace.
Quant aux malades évacués sanitaires, la CAFAT a signé une convention avec Casodom, structure spécialisée dans l’accueil des ultramarins. En 2024, sur 271 évacuations vers la France, 187 avaient été suivies par la MNC. Ce soutien sera désormais assuré par des professionnels aguerris.
La transition sera rude, mais elle marque un changement de paradigme : fin des dépenses symboliques, retour à l’efficacité.
Le gouvernement calédonien, souvent accusé de lenteur ou de tiédeur, prend ici une décision ferme : mettre fin à une structure coûteuse, héritée d’une époque révolue, et refonder un outil moderne, ciblé et financièrement soutenable.
On peut regretter une fermeture. On peut regretter un symbole.
Mais l’époque commande autre chose : de la responsabilité, du courage et un refus clair de l’hyperprovincialisation, qui fragilise le pays.
La MNC ferme, mais la Nouvelle-Calédonie avance.
Et parfois, avancer, c’est accepter de tourner la page même lorsque certains s’accrochent encore au décor.

















