Une guerre silencieuse s’installe dans l’économie mondiale. À Pékin, chaque licence, chaque cargaison, devient une arme stratégique. L’Occident redécouvre brutalement sa dépendance au bon vouloir chinois.
Pékin dégaine l’arme économique
Les signaux venus de Pékin sont clairs : la Chine ne négociera pas à genoux. À quelques semaines de la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping, le ministère chinois du Commerce a publié de nouvelles instructions renforçant les contrôles sur les exportations de terres rares, ces minerais indispensables à la fabrication des technologies de pointe, des batteries aux missiles hypersoniques.
Derrière ce durcissement, un message limpide : la Chine assure environ 90 % de la production mondiale, et elle compte bien s’en servir comme levier politique et économique. Depuis avril, un système de licences d’exportation a déjà été instauré, provoquant des remous sur les marchés mondiaux. Désormais, les contrôles ne concernent plus seulement les minerais eux-mêmes, mais aussi les technologies d’extraction, d’assemblage et de maintenance liées à leur production.
Le ministère chinois a précisé que toute exportation vers des clients militaires étrangers serait systématiquement refusée. Un avertissement à peine voilé aux États-Unis, dont l’industrie de Défense dépend largement de ces composants pour ses systèmes de communication, ses radars et ses avions furtifs.
Washington pris au piège de sa dépendance
Depuis plusieurs années, les États-Unis tentent de diversifier leurs approvisionnements. Mais la réalité est brutale : malgré les efforts de relocalisation, le raffinage des terres rares reste quasi exclusivement chinois. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, s’était voulu rassurant en juin dernier, affirmant que les inquiétudes seraient « résolues ».
Un optimisme aujourd’hui mis à mal.
L’accord temporaire entre les deux puissances, prévoyant la reprise des exportations vers les États-Unis, arrive à échéance dans moins d’un mois. Pékin, en rappelant au monde son monopole, montre qu’elle tient les cartes du jeu mondial. Les États-Unis n’ont guère le choix : soit ils acceptent de nouvelles concessions douanières, soit ils affrontent une crise industrielle majeure.
Dans le camp républicain, certaines voix montent déjà pour dénoncer la naïveté des précédents accords commerciaux. Le retour de Trump sur le devant de la scène diplomatique s’annonce comme un moment de vérité : rétablir un rapport de force clair avec Pékin ou voir l’Amérique perdre la main sur les technologies du futur.
L’Europe spectatrice impuissante
Sur le Vieux Continent, la situation n’est guère meilleure. L’Union européenne, toujours incapable de bâtir une stratégie minière cohérente, reste dépendante du marché chinois pour la quasi-totalité de ses besoins en terres rares. En juillet, Ursula von der Leyen annonçait fièrement un mécanisme d’exportations « amélioré » avec Pékin. Trois mois plus tard, la Chambre de commerce européenne en Chine admettait que les entreprises peinent toujours à obtenir les licences nécessaires.
La dépendance est telle que certaines firmes européennes sont contraintes de suspendre leur production. Un comble pour une Union qui prétend incarner la « transition verte » et la souveraineté technologique. Pendant ce temps, la Chine consolide son avance, forte d’une réglementation environnementale souple et d’une stratégie industrielle planifiée depuis des décennies.
Déjà en 1992, Deng Xiaoping avait prophétisé :
Le Moyen-Orient a du pétrole. La Chine a des terres rares.
Trente ans plus tard, la maxime résonne comme un avertissement. Tandis que l’Occident s’enfonce dans la culpabilité climatique et la désindustrialisation, Pékin construit méthodiquement sa puissance minérale.
Les terres rares ne sont plus de simples minerais : elles sont devenues l’arme invisible des empires modernes. Derrière les discours diplomatiques et les sourires de circonstance, se joue une bataille féroce pour le contrôle des chaînes de valeur technologiques.
La Chine joue la montre, consciente que les États-Unis peinent à reconstituer un écosystème industriel capable de rivaliser. Washington, de son côté, s’efforce de rallier ses alliés du Pacifique et d’Europe pour bâtir un front commun. Mais sans investissements massifs et sans courage politique, ces efforts risquent de rester symboliques.
Le prochain sommet Trump–Xi pourrait marquer un tournant. Soit l’Amérique renoue avec une politique de puissance assumée, soit elle entérine son déclin industriel face à une Chine conquérante.