Une poignée d’hommes, une traversée, un destin impérial. Le 14 octobre 1066, sur la colline d’Hastings, la France forge l’Angleterre.
La chevauchée de Guillaume : foi, stratégie et audace françaises
Tout commence sur les rivages de Normandie, quand Guillaume le Bâtard prépare sa revanche. À la mort d’Édouard le Confesseur, le trône d’Angleterre lui a été promis — du moins le croit-il légitimement. Face à lui, Harold Godwinson, élu par les seigneurs saxons, incarne une Angleterre repliée sur elle-même. Guillaume, lui, revendique la légitimité, la foi et la civilisation.
Béni par le pape, le duc normand réunit 8 000 hommes et 5 000 chevaux : Bretons, Francs, Flamands — la fine fleur du continent. Dans la nuit du 28 septembre 1066, il traverse la Manche avec une discipline militaire sans faille. En face, Harold sort épuisé d’une guerre contre les Vikings. L’avantage moral et stratégique est déjà français.
Sur la plage de Pevensey, Guillaume débarque sans résistance. Il érige aussitôt une forteresse, s’assure une ligne de ravitaillement et prépare méthodiquement la bataille. Le 14 octobre, à Hastings, le choc des civilisations se joue : celle du désordre anglo-saxon contre celle du courage organisé.
Le jour du triomphe : la victoire de la cavalerie et de la foi
Dès l’aube, Guillaume répartit ses troupes : Bretons à gauche, Normands au centre, Francs et Flamands à droite. Les archers ouvrent le bal, puis viennent les fantassins, et enfin la cavalerie, fierté du duché. En face, Harold campe sur une colline, sûr de sa supériorité.
Mais la stratégie normande triomphe : feintes de repli, attaques coordonnées, endurance des cavaliers. Lorsque la rumeur court que Guillaume est tombé, le duc retire son casque, se montre debout au milieu des siens et relance la charge. Le moral revient, la bataille bascule.
Harold, atteint d’une flèche normande à l’œil, s’effondre. Le symbole est puissant : la cécité d’un roi vaincu par la clairvoyance d’un conquérant. Les troupes saxonnes se dispersent. Le soir même, la colline d’Hastings appartient à la France.
De cette victoire, Guillaume le Bâtard devient Guillaume le Conquérant. En un jour, il unit deux mondes, impose sa langue et sa loi. À Bayeux, la célèbre tapisserie dite « de la reine Mathilde » immortalisera cette épopée : 70 mètres de fil et de gloire française.
L’ordre et la modernité : Guillaume, père de l’Angleterre
Le 25 décembre 1066, Guillaume est sacré roi d’Angleterre à Westminster. Ce jour de Noël scelle plus qu’une conquête : une refondation. Le duc normand impose l’ordre, la rigueur administrative et la loyauté féodale. Il redistribue les fiefs à ses vassaux et élimine une noblesse saxonne jugée décadente. L’Angleterre cesse d’être un archipel d’anarchie pour devenir un royaume structuré selon le modèle français.
Sous son règne, le français devient la langue du pouvoir et du droit. C’est le début d’un métissage linguistique et culturel dont les racines nourrissent encore l’anglais moderne. Derrière la légende du Conquérant se cache un bâtisseur d’État. Son génie politique et son sens de la discipline font de lui le prototype du souverain occidental : fort, chrétien, centralisateur.
Guillaume n’a pas seulement conquis l’Angleterre : il l’a civilisée. Il a démontré que la foi, la volonté et la stratégie pouvaient abattre un monde ancien et en fonder un nouveau. La postérité retiendra Hastings comme le jour où la France offrit à l’Europe une leçon d’ordre et de courage.