Une exclusion qui inquiète Taipei
Les tensions diplomatiques refont surface dans le Pacifique. En mars dernier, un groupe de fonctionnaires taïwanais s’est vu refuser l’entrée aux Îles Salomon, déclenchant une onde d’inquiétude à Taipei. Officiellement, la visite devait préparer la participation de Taïwan à la réunion du Forum des Îles du Pacifique (PIF), qui se tiendra en septembre à Honiara. Mais ce refus de visa laisse planer le doute sur la volonté réelle du gouvernement salomonais d’exclure toute représentation taïwanaise.
Les Îles Salomon, qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec Taïwan au profit de Pékin en 2019, pourraient aller plus loin cette année. Une note interne a ordonné aux autorités de ne plus entretenir de contacts officiels avec des représentants « associés à Taïwan, Chine ». Malgré des assurances données en coulisses à l’Australie et à d’autres partenaires du Pacifique, l’absence de communication publique claire et les incidents passés alimentent les spéculations.
Le Forum, théâtre d’une guerre d’influence sino-taïwanaise
L’enjeu dépasse largement une querelle administrative. Taïwan, bien que non membre officiel, participe depuis 1993 aux activités du Forum en tant que partenaire de développement. La Chine, de plus en plus influente dans la région, pousse pour que cette présence cesse. En soutien à Pékin, les Îles Salomon se sont déjà opposées à l’an dernier au renouvellement du statut de Taïwan dans le Forum.
Trois États du Pacifique — les Palaos, Tuvalu et Nauru — conservent des relations diplomatiques avec Taïwan et s’alarment. Le président des Palaos, Surangel Whipps, a averti qu’un tel rejet pourrait raviver les tensions internes au PIF, comme lors de la « scission » de 2021 qui avait ébranlé la cohésion du groupe.
Un test pour l’unité régionale et la diplomatie australienne
Alors que le Forum des Îles du Pacifique est considéré comme l’événement diplomatique majeur de l’année dans la région, son bon déroulement repose sur une fragile équation politique. Canberra suit la situation de près : exclure Taïwan risquerait de nuire à la crédibilité du Forum et de compromettre la coopération régionale dans des domaines cruciaux comme le changement climatique, la sécurité alimentaire ou l’énergie propre.
Pour l’heure, les invitations officielles n’ont pas encore été envoyées. Le Premier ministre des Îles Salomon, Jeremiah Manele, maintient le flou : tout en réaffirmant son engagement envers la politique d’une seule Chine, il affirme « travailler étroitement » avec le secrétariat du Forum pour organiser la réunion.
Reste à savoir si, entre pressions chinoises et équilibres régionaux, le bon sens diplomatique prévaudra. Car exclure Taïwan, c’est risquer une nouvelle fragmentation du Pacifique – et avec elle, l’érosion d’un des rares espaces de dialogue multilatéral dans la région.