Alors que l’obésité explose, certaines enseignes alimentent le problème. À contre-courant des alertes sanitaires. La malbouffe en promo. Qui paie le vraie prix ?
Des rayons pleins… de produits vides
Noodles déshydratées, sodas sucrés, snacks ultra-transformés : les grandes surfaces regorgent de produits attractifs mais toxiques, en particulier pour les plus jeunes. Et pourtant, ce sont eux que l’on retrouve systématiquement en tête de gondole et dans les campagnes de promotion. À bas prix, accessibles partout, mais lourds de conséquences. Comme Théo, 10 ans, qui raconte :
Quand je rentre dans le magasin avec maman, je me dis toujours que cette fois, je vais résister. Je veux faire attention, je sais que le sucre c’est mauvais, que ça rend malade. À l’école, la maîtresse nous a expliqué les dangers, et même à la maison, on en parle. Mais dès que je passe les portes, c’est plus fort que moi. Tout est coloré, brillant, avec des personnages rigolos sur les paquets.
Les distributeurs continuent d’alimenter un modèle alimentaire qui rend malade. Un modèle basé sur des produits hypercaloriques, pauvres en nutriments, mais bourrés d’additifs, de sucre, de sel et de gras. Le tout soigneusement emballé dans des visuels ludiques et colorés, qui attirent les enfants.
En cette Journée mondiale contre la malbouffe, ces stratégies commerciales interrogent. Peut-on encore fermer les yeux sur les conséquences sociales, sanitaires et économiques d’un tel matraquage ?
Quinze ans d’échecs face à l’industrie agroalimentaire
Depuis 2009, les ONG alertent : « Obésité : protégeons nos enfants. » Leur message n’a pas changé, car les causes du problème sont toujours là : publicités omniprésentes, marketing ciblé, manque d’encadrement législatif. Résultat ? Rien n’a vraiment changé.
88 % des publicités alimentaires vues par les enfants concernent des produits déséquilibrés, selon l’UFC-Que Choisir. L’État et les collectivités locales ont laissé les industriels s’autoréguler. Dix ans après, c’est un échec total. Ni la télévision, ni les plateformes numériques ne protègent les plus jeunes d’un flot constant d’incitations à consommer sucré, gras et salé.
Les autorités sanitaires, de l’OMS à Santé Publique France, alertent en vain. Pendant ce temps, les enseignes profitent du flou juridique pour pousser des produits destructeurs dans les foyers, en toute légalité, et souvent avec des slogans tels que « petits prix pour tous ».
Nouvelle-Calédonie : une bombe nutritionnelle à retardement
Le Baromètre Santé Adulte 2021-2022 est sans appel : deux adultes sur trois sont en excès de poids en Nouvelle-Calédonie. Parmi eux, 38 % sont obèses. Chez les femmes, la proportion grimpe à 42 %. Un record inquiétant. La tendance est encore plus marquée avec l’âge : près d’un Calédonien sur deux âgé de 45 à 64 ans est obèse.
Le lien entre malbouffe et pauvreté est flagrant. Dans un territoire où l’accès aux fruits et légumes frais reste difficile pour beaucoup, les produits transformés apparaissent comme une solution économique… mais à quel prix ? Comme nous explique Sandrine, 42 ans et mère de trois enfants :
Je fais attention à chaque franc. Quand je vais faire les courses, j’aimerais acheter du poisson frais, des légumes, des choses bonnes pour la santé. Mais quand je vois les prix, je me sens piégée. Une barquette de fruits, c’est 600 francs. Avec ça, je peux acheter dix paquets de noodles ou trois bouteilles de soda. Je sais que c’est pas bon, mais mes enfants doivent manger tous les jours. Et ils ont faim, surtout après l’école. Alors je prends ce que je peux, pas ce que je veux. Ce qu’on nous propose en promo, c’est toujours la même chose : du sucre, du gras, du sel. Et on finit par s’y habituer. On n’a pas les moyens d’être en bonne santé. On survit, c’est tout.
Et ce sont ces produits que les distributeurs continuent de mettre en avant. Le message est clair : peu importe les dégâts, tant que ça se vend.
Face à cette réalité, l’encadrement du marketing alimentaire ne peut plus attendre. Interdire les pubs pour les produits trop sucrés, trop gras, trop salés, notamment à destination des enfants, est une urgence de santé publique.
Les enseignes bradent la malbouffe, mais c’est la santé des Calédoniens qui paie l’addition. En cette journée mondiale contre la malbouffe, les grandes chaines de distributions doivent rendre des comptes. Il est temps de légiférer. Pour nos enfants. Pour nos familles. Pour notre avenir.