À Dumbéa, la nature reste gratuite… mais plus l’accès à celle-ci. Pour la municipalité, faire payer devient visiblement plus simple que de gérer.
Une rivière emblématique, désormais derrière un ticket d’entrée
La rivière de la Dumbéa, refuge naturel de milliers de familles, est depuis toujours l’un des espaces les plus appréciés du Grand Nouméa. On y vient pour se retrouver, respirer, fuir la chaleur, renouer avec un patrimoine vivant qui fait la fierté des Calédoniens.
Mais 2025 marque un tournant amer : accéder à ce lieu n’est plus un droit simple, celui de tout citoyen souhaitant profiter de son territoire. C’est devenu un service monnayé, une dépense imposée sous couvert de “gestion”.
Depuis plusieurs années, la mairie avait mis en place des navettes gratuites pour limiter la surfréquentation. Une solution imparfaite, certes, mais gratuite, accessible, et surtout cohérente avec l’idée d’un bien commun.
Cette année, la municipalité fait un choix radical : faire payer les usagers plutôt que de revoir sa stratégie, plutôt que de chercher des financements, plutôt que de défendre un accès équitable.
Pour un site naturel de ce type, la mesure passe mal. Très mal.
La mairie invoque la sécurité… mais c’est l’argument budgétaire qui domine
À partir du 6 décembre 2025, chaque trajet en navette coûte désormais 150 F par personne, soit 300 F l’aller-retour. Une famille de quatre personnes devra donc débourser 1 200 F pour accéder à une rivière… qui, elle, reste gratuite.
Certains diront que ce n’est “pas grand-chose”. Mais pour beaucoup de familles, notamment celles qui n’ont pas la chance de partir en vacances, la Dumbéa est l’un des rares loisirs accessibles.
L’argument de la sécurité est brandi par la mairie : stationnements sauvages, routes bloquées, risques pour les secours. Une réalité incontestable.
Mais l’autre réalité, celle que la municipalité assume du bout des lèvres, c’est son incapacité à financer un dispositif qu’elle avait elle-même instauré. Yoann Lecourieux invoque les restrictions budgétaires liées aux émeutes de 2024. Très bien. Mais pourquoi faire peser la facture sur les familles plutôt que de chercher des solutions alternatives ?
Partenariats, subventions, mécénat local, soutien provincial : les pistes existent. Elles n’ont manifestement pas été explorées jusqu’au bout.
Résultat : ce n’est pas la sécurité qui devient payante, c’est l’accès à un espace public.
Une décision perçue comme injuste, brutale et surtout inefficace
Les navettes circuleront de 6 h 30 à 17 h 30, toutes les 30 minutes, selon un calendrier complexe :
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week-ends du 6 au 21 décembre 2025,
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tous les jours du 22 décembre au 15 février,
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à nouveau uniquement les week-ends du 21 février au 29 mars 2026.
Glacières et vélos autorisés, chiens interdits, paiements en carte bleue refusés. Rien de choquant ici… sauf le prix d’accès.
Pire encore : la municipalité annonce une verbalisation renforcée autour du parc provincial et du trou des Nurses.
Stationnement illégal → amende.
Voiture mal garée → fourrière.
Et si la famille ne peut pas payer la navette ? Tant pis. La règle, c’est : payer ou rester chez soi.
Cette approche, rigide et déconnectée du quotidien des habitants, donne le sentiment d’une mairie qui préfère sanctionner plutôt que comprendre, taxer plutôt que faciliter, verrouiller plutôt qu’améliorer.
D’autant que certains usagers, notamment dans les quartiers moins favorisés, n’ont ni les moyens, ni l’envie, ni parfois la connaissance des nouveaux dispositifs.
Au lieu de simplifier l’accès, la mairie complexifie. Au lieu de soutenir les familles, elle les met à contribution. Au lieu d’accompagner, elle facture.
Et tout cela pour un site qui appartient à tous.
Quand une mauvaise décision devient un symbole de plus
Ce choix ne passe pas. Parce qu’il pénalise les familles. Parce qu’il s’attaque à un symbole. Parce qu’il donne l’impression que la mairie se défausse sur les habitants de sa propre incapacité financière.
La Dumbéa n’est pas un parc privé. Ce n’est pas un club de vacances. C’est un espace naturel calédonien, un patrimoine partagé.
Faire payer l’accès à un lieu aussi populaire, c’est envoyer un message :
Nous ne pouvons plus assumer, alors assumez à notre place.
Une vision injuste, qui augmente encore la fracture entre institutions et population.
Dans un contexte où la confiance envers les autorités est déjà fragilisée, la décision tombe comme un symbole : celui d’un exécutif qui choisit la facilité administrative plutôt que l’équité sociale.
Ce qui aurait pu être une mesure temporaire devient une frustration durable.
La ville de Dumbéa voulait réguler. Elle a surtout braqué.
Et en 2025, il faudra désormais payer pour accéder à ce qui, jusqu’ici, incarnait la liberté la plus simple : une journée au bord de la rivière.

















